dimanche, mai 19, 2024
spot_img
spot_img
spot_img
spot_img
spot_img
spot_img

Comment Internet a résisté au confinement

À LIRE AUSSI

Internet en péril. Attention à la surchauffe. Les réseaux pourront-ils résister? Les cassandres imaginaient les pires congestions. Force est de constater qu’Internet a plutôt bien encaissé le plus grand pic d’usage de son histoire. Mieux, il n’a jamais été aussi bien portant. On bénéficierait même aujourd’hui d’une infrastructure plus résiliente et plus performante. Il y avait pourtant de quoi s’inquiéter. Pendant les semaines de confinement, le Web était notre cordon ombilical vers l’extérieur. Nous en sommes devenus dépendants pour l’école des enfants, les apéros virtuels ou les réunions de travail. Les artistes y ont trouvé un nouveau mode d’interaction avec leur public. Les assignés à résidence, une façon de se divertir avec les jeux en ligne ou les plateformes de streaming.

Résultat : le trafic mondial a augmenté de 70% en mars et en avril, selon la société britannique Omdia.

Aucune congestion en Europe, malgré le boom des visioconférences

« Ni le réseau électrique, ni la distribution d’eau, ni les transports n’auraient pu supporter une telle explosion des usages, insiste Matthew Prince, patron de Cloudflare, spécialiste de l’accélération et de la sécurité sur la Toile. Internet a réussi car il a été prévu pour ça! » Toute l’architecture a été conçue, dès le départ, sans aucun point central. S’il y a un bouchon à un endroit, les flux sont automatiquement réacheminés via un autre itinéraire. Par nature, les infrastructures surdimensionnées compensent celles qui sont surchargées.

C’est pourquoi, selon les chiffres de l’Organe des régulateurs européens des communications électroniques (Orece), aucune congestion majeure n’a été enregistrée en Europe, malgré la surconsommation. Pourtant, certaines applications, comme celles de visioconférence, ont connu des bonds de 400%. Des services qui impliquent une quasi-synchronicité entre les propos des différents participants aux réunions. Certes, il y a eu des ralentissements ici ou là, et quelques coupures. Mais rien d’exceptionnel par rapport à ce que l’on constate en temps normal. 

Une consommation anticipée

On pourrait imaginer que ces bons résultats sont liés aux mesures préventives : décalage du lancement de la plateforme Disney+, ralentissement des débits chez Netflix, YouTube et consorts, à la suite de l’appel du commissaire européen Thierry Breton. Plus de la moitié du trafic mondial est en effet monopolisé par la vidéo, des flux très lourds qui pèsent sur les réseaux.

Selon les spécialistes, pourtant, l’impact de ces mesures serait négligeable. « Quand Netflix et YouTube ont décidé de ralentir, rapporte l’expert Matthew Prince, c’était surtout pour anticiper et se laisser le temps de mettre à jour leurs équipements. » Confirmation chez Netflix, qui revient progressivement à ses débits d’avant confinement en Europe. « Rien qu’au cours du dernier mois, nous avons multiplié nos capacités par quatre, a expliqué un porte-parole du groupe. Au fur et à mesure, nous levons les limitations. »

« 

Quand un ralentissement se produit, ce n’est pas son opérateur qu’on va blâmer mais le service auquel on cherche à accéder »

C’est donc moins une baisse de la demande qu’une augmentation des moyens pour y répondre. Depuis l’explosion du Web et du commerce électronique dans les années 2000, l’ensemble du secteur s’est préparé aux pics de consommation, ainsi qu’à une hausse mensuelle de 3% du trafic mondial. Résultat : tout ne repose plus uniquement sur les opérateurs. L’accès à leur service étant devenu critique, de nombreux acteurs contournent le réseau public et passent par leurs propres infrastructures. Cela permet de garder le contrôle et d’accélérer encore plus le trafic pour ne se connecter aux opérateurs qu’au plus près du client. « Quand un ralentissement se produit, ce n’est pas son opérateur qu’on va blâmer, résume Tom Leighton, PDG d’Akamai, spécialiste de l’accélération des flux Internet, mais le service auquel on cherche à accéder. »

Désormais, la plupart des acteurs ont des plans de progression de leur activité sur cinq ans. Et des réserves d’augmentation de trafic de six à douze mois. Ce qui leur a permis d’afficher une certaine sérénité par rapport à la solidité du réseau. Cette hausse était donc anticipée, mais elle aurait dû s’étaler sur plusieurs années, non pas se produire aussi rapidement.

La crise a modernisé le réseau 

La principale préoccupation aura été de savoir combien de temps le confinement allait durer. Car une fois toutes les réserves débloquées, il faut aller physiquement sur le terrain installer du nouveau matériel. Pas toujours possible entre les problèmes d’approvisionnement en Chine et les restrictions de déplacement. Dans son malheur, le secteur a eu de la chance. De grosses capacités avaient été réservées pour accueillir des compétitions internationales comme la Coupe d’Europe de football, la Formule 1 ou les Jeux olympiques. Les événements ayant été annulés, la surcapacité a pu servir ailleurs. Plutôt que de mettre le réseau à genoux, la crise a permis d’anticiper sa modernisation. 

Chez Equinix, par exemple. La société héberge des services sur des centaines de centres de données dans le monde. Leurs débits devaient être multipliés par dix sur douze ou vingt-quatre mois. L’opération a été réalisée en quelques semaines. La robustesse du réseau a aussi été accrue. Jusqu’ici, la plupart des prestataires se focalisaient sur quelques points centraux comme les centres d’affaires. Mais avec des gens bloqués chez eux, le trafic s’est éparpillé. Pour conserver la qualité de service, il a fallu s’adapter à des millions de connexions, éclatées sur des milliers de petits réseaux.

Internet est désormais de meilleure qualité

Même travail du côté des opérateurs mobiles, qui ont continué leurs déploiements 4G et 5G. Selon l’Agence nationale des fréquences (ANFR), plusieurs centaines d’antennes ont été installées en avril sur le territoire. L’objectif  était de limiter les retards de déploiement. La 5G est déjà disponible dans neuf pays européens (Royaume-Uni, Irlande, Allemagne, Italie, etc.), alors qu’en France l’attribution des fréquences n’a pas encore commencé.

Paradoxalement, à l’issue du confinement, Internet est de bien meilleure qualité qu’au début. Pendant longtemps, le haut débit était vu comme un privilège. Avec les enfants à la maison et le télétravail, il apparaît désormais aussi nécessaire que l’électricité ou l’eau. Heureusement qu’il ne s’est pas écroulé.

- Advertisement -
spot_img
spot_img

ECHO DE NOS RÉGIONS