Le Rwanda a décidé de ne plus faire semblant. Ce 7 juin, en marge du 26ᵉ sommet de la Communauté Économique des États de l’Afrique Centrale (CEEAC) à Malabo, Kigali a annoncé officiellement son retrait de l’organisation.
Une décision mûrement réfléchie et cinglante, prise face à ce que le pays qualifie “d’instrumentalisation flagrante” de l’institution régionale par la République Démocratique du Congo, avec la bénédiction tacite de certains États membres.
Dans un communiqué diffusé par son ministère des Affaires étrangères, le Rwanda ne mâche pas ses mots : il dénonce un fonctionnement devenu contraire aux principes mêmes de la CEEAC, dont les textes sont désormais traités comme de simples suggestions, à la discrétion des rapports de force.
Une présidence confisquée, une ligne rouge franchie
L’élément déclencheur ? Le sabotage de la présidence tournante du Rwanda, prévue selon l’article 6 du traité fondateur. Une entorse grave, délibérément orchestrée lors du sommet de Malabo, qui vient s’ajouter à une série de vexations diplomatiques. Kigali rappelle qu’en 2023 déjà, il avait été illégalement exclu du 22ᵉ sommet organisé à Kinshasa sous présidence congolaise. Malgré une alerte formelle adressée à l’Union africaine, la communauté régionale est restée muette. Ce silence, aujourd’hui, fait office de complicité.
La CEEAC, otage d’agendas nationaux ?
Derrière cette décision de retrait, c’est un constat plus large que dresse le Rwanda : celui d’une organisation détournée de ses missions, devenue un instrument d’intérêts nationaux, où l’État de droit régional cède la place à des jeux de pouvoir. Loin de jouer son rôle d’espace de concertation et d’intégration, la CEEAC semble désormais otage de rivalités politiques et de calculs diplomatiques à courte vue.
Faut-il rappeler que la présidence tournante n’est pas un privilège, mais un droit statutaire ? Que l’exclusion arbitraire d’un État membre est un précédent dangereux, surtout quand il s’agit d’un pays clé pour la stabilité et le développement de la sous-région ?
Un départ lourd de sens
En se retirant, le Rwanda choisit la cohérence. Il refuse de cautionner davantage une institution dont les décisions ne sont plus guidées par la légalité, mais par des rapports de force mal assumés. C’est un geste fort, qui ne vise pas la rupture régionale, mais bien la dénonciation d’une dérive.
Ce retrait est aussi un appel, sans illusion mais avec lucidité : soit les organisations africaines se respectent elles-mêmes, en faisant appliquer leurs règles sans favoritisme, soit elles s’exposent à devenir de simples coquilles vides, décoratives et inutiles.
Et maintenant ?
La balle est dans le camp des autres membres de la CEEAC. Réagiront-ils pour sauver ce qui peut encore l’être, ou continueront-ils à faire semblant d’avancer, en oubliant que l’intégration régionale ne peut se construire sur l’exclusion, le mépris et le silence complice ?
Ce 7 juin, le Rwanda ne tourne pas simplement le dos à une organisation. Il claque la porte sur l’hypocrisie, et laisse, derrière lui, une question qui dérange : à quoi bon rester dans une maison où l’on n’a plus le droit d’entrer par la porte principale ?
Laguinee.info