Dans un contexte où la question électorale reste au cœur des tensions politiques en Guinée, la création de la Direction générale des Élections (DGE) suscite un débat intense. Présentée comme une rupture décisive avec les pratiques du passé, cette réforme est perçue par certains comme une tentative de verrouillage du processus démocratique. D’autres y voient, au contraire, une avancée indispensable vers une gouvernance électorale plus rigoureuse, indépendante et crédible.
Une réponse aux critiques politiques
Des voix politiques s’élèvent déjà pour dénoncer la DGE comme un outil d’institutionnalisation de la fraude. Pourtant, Joachim Baba Millimouno, politologue, membre du bureau exécutif de l’UFDG et du Mouvement des Réformateurs du même parti, remet les choses en perspective :
« Certains acteurs politiques dénoncent la création de la DGE comme une tentative de verrouillage du processus électoral et d’institutionnalisation de la fraude. Pourtant, une analyse objective des faits met en lumière un point essentiel : l’ancien modèle de la CENI a prouvé son inefficacité et son incapacité à garantir des scrutins transparents et apaisés. »
Une impartialité toujours illusoire sous la CENI
L’argument de la représentation politique au sein de la Commission Électorale nationale indépendante (CENI) comme gage de transparence a montré ses limites. Joachim Baba Millimouno cite des exemples concrets :
« La présence de représentants politiques au sein de la CENI n’a jamais été un gage d’impartialité. Un exemple édifiant est celui de Hadja Bia DIALLO, belle-sœur de Cellou Dalein Diallo, et de M. Bano SOW, vice-président chargé des affaires politiques de l’UFDG. Tous deux ont occupé des postes de vice-présidents de la CENI, sans que cela n’ait empêché leur parti (UFDG) d’être victime de décisions contestables orchestrées par le système en place. Leur présence n’a pas suffi à instaurer une gouvernance électorale véritablement équitable. »
Une réforme motivée par l’échec structurel
Créée à l’aube des transitions démocratiques post-La Baule, la CENI avait pour but d’inspirer confiance. Mais elle a progressivement été minée par les logiques partisanes, les rivalités internes et une gestion opaque :
« Initialement conçue comme un outil de transparence, la CENI s’est progressivement transformée en un levier partisan, miné par la gestion opaque, les rivalités internes et la méfiance généralisée des acteurs politiques. »
La réforme vise à rompre avec cette logique :
« L’instauration de la DGE vise à corriger ces dérives en misant sur une gouvernance électorale fondée sur la compétence technique et la neutralité institutionnelle, à l’image des expériences réussies du Ghana, du Botswana, des Îles Maurice, du Cap-Vert et du Sénégal. »
Un vivier d’expertise disponible
Contrairement à ceux qui doutent de la capacité nationale à piloter une telle réforme, Joachim Baba Millimouno souligne la richesse du capital humain guinéen :
« La Guinée dispose d’un vivier d’experts capables d’assurer cette transition (de la CENI à la DGE en passant par la DNAPE). Des spécialistes tels que Pathé DIENG (accréditeur), dont l’expertise est reconnue bien au-delà des frontières nationales, illustrent cette capacité. De nombreux accrédités BRIDGE peuvent également contribuer à renforcer la crédibilité de la DGE : Mountaga SYLLA, Alpha Issiaga DIALLO, Mamadi 3 Kaba, Mme Camara Djenabou TOURÉ, Mme Séraphine KONDIANO, Amadou Macka DIALLO, Mohamed Cherif HAIDARA, Mme Kanny SOUMANO, Sekou Naby CAMARA, Mamadou BARRY, ainsi que les nombreux semi-accrédités. »
Réduire les dérives budgétaires et restaurer la confiance
La CENI, en plus de son inefficacité, s’est montrée extrêmement coûteuse :
« En plus de son inefficacité manifeste, elle s’est révélée être un organe budgétivore, drainant des ressources colossales sans garantir une administration électorale crédible. »
Les élections de 2010 et 2020 ont été marquées par des accusations de fraudes et de taux de participation jugés irréalistes. Ce passé justifie le changement :
« La CENI a démontré, au fil des élections de 2010 et 2020, son incapacité à inspirer confiance. L’opposition a dénoncé à plusieurs reprises des irrégularités graves, des listes électorales controversées, des taux de participation jugés fantaisistes et des fraudes dans certains bureaux de vote. »
Conditions de réussite de la DGE
La disparition de la CENI, en soi, ne suffit pas. Pour que la DGE réussisse, elle devra s’appuyer sur des piliers solides :
« Le succès de la DGE dépendra de l’engagement ferme des autorités en faveur de la transparence et du professionnalisme. Des mesures concrètes doivent accompagner cette transition. »
Il cite notamment trois leviers :
« Un processus de recrutement basé sur la compétence, tel que celui récemment initié par le MATD avec des appels à candidatures pour divers profils spécialisés (communication, gestion de bases de données, logistique, suivi évaluation, etc.). »
« Des mécanismes de contrôle neutres, impliquant des institutions indépendantes et des observateurs impartiaux. »
« Une gestion budgétaire rationnelle et efficace, pour éviter les dérives financières constatées sous l’ancienne structure. »
Une opportunité historique à saisir
Joachim Baba Millimouno conclut en appelant à ne pas céder à la peur du changement :
« Bien loin d’être une manœuvre de verrouillage, la création de la DGE répond à un besoin fondamental : assurer une gestion électorale rigoureuse, indépendante des querelles partisanes. »
Il voit dans cette réforme un tournant décisif :
« Contrairement aux craintes formulées par certains acteurs politiques, la DGE ne doit pas être perçue comme une menace pour la démocratie, mais comme une réponse aux failles du passé. Si cette réforme est mise en œuvre avec RIGUEUR et SÉRIEUX, elle permettra à la Guinée de s’aligner sur les modèles électoraux les plus performants du continent. Le véritable enjeu est donc d’assurer l’indépendance effective de la DGE et de créer une institution électorale véritablement qualifiée et responsable. »
Laguinee.info