L’onde de choc provoquée par la mort suspecte du blogueur Albert Ojwang continue de secouer les institutions kényanes. Ce lundi, Eliud Lagat, chef adjoint de la police nationale, a officiellement présenté sa démission, alors que l’affaire entre dans une phase judiciaire décisive. Un geste fort qui intervient sous la pression croissante de l’opinion publique et des organisations de défense des droits humains, mobilisées depuis près d’une semaine.
Albert Ojwang, âgé de 31 ans, avait été arrêté le 6 juin dans l’ouest du Kenya après avoir accusé Eliud Lagat de corruption dans plusieurs publications virales sur les réseaux sociaux. Transféré à plus de 400 kilomètres de chez lui, à Nairobi, il a été retrouvé mort deux jours plus tard, dans une cellule du commissariat central de la capitale.
La version livrée par la police celle d’un homme se cognant violemment la tête contre un mur a rapidement été discréditée. Un rapport d’autopsie indépendant évoque un traumatisme crânien sévère, une compression du cou et de multiples blessures internes, révélant des signes évidents d’agression physique.
Face à la colère populaire, le président William Ruto a pris la parole et promis une enquête complète, affirmant vouloir « protéger les citoyens contre les policiers véreux ». Ce drame intervient dans un contexte tendu, un an seulement après les manifestations contre une loi de finances controversée, au cours desquelles plusieurs militants avaient été tués ou portés disparus.
L’affaire a pris une nouvelle dimension ce lundi au tribunal de Nairobi, où Samson Talam, officier commandant du commissariat central, a comparu pour une demande de libération sous caution. Le parquet s’y est opposé fermement, soulignant le risque d’entrave à l’enquête en cours. En toile de fond, une découverte inquiétante : les vidéos de surveillance du commissariat ont été altérées puis effacées dans les 24 heures suivant la mort d’Ojwang, selon l’IPOA (Autorité indépendante de surveillance de la police).
La défense de Talam, assurée par l’avocat Cliff Ombeta, a dénoncé ce qu’elle qualifie de « mise en scène médiatique » :
« L’IPOA mène une opération de communication. Ils cherchent un bouc émissaire, alors même qu’ils ont eux-mêmes pris le contrôle de la scène», rapporte africanews.com.
En attendant, le poste de chef adjoint de la police reste vacant, et de nombreuses voix réclament plus qu’un simple changement de visage. Les organisations de la société civile appellent à une réforme structurelle de la chaîne de commandement, dénonçant un système gangréné par l’impunité et la violence institutionnalisée.
Ce qui s’annonce désormais, ce n’est plus seulement un procès, mais un test grandeur nature pour l’État de droit au Kenya. Et pour la jeunesse mobilisée, justice pour Albert Ojwang ne sera rendue que si les responsables — à tous les niveaux — sont sanctionnés.