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Tierno Monénembo, l’écrivain mutilé par le vol de son manuscrit : « Mieux vaut perdre un œil qu’un roman »

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Dans une confession rare, déchirante et sans fard, l’écrivain guinéen Tierno Monénembo est revenu sur le drame intime qui l’a frappé en mai 2024 : le vol de son ordinateur personnel contenant le manuscrit de son prochain roman, une œuvre inédite, fruit de trois années de labeur. C’est sur les ondes de RFI, dans l’émission Sur le Pont des Arts animée par Nathalie Amar, qu’il a évoqué, la voix tremblante mais résolue, « cette mutilation dont on ne guérit pas ».

Âgé de 78 ans, lauréat du prix Renaudot 2008 pour Le Roi de Kahel, Tierno Monénembo n’a pas masqué la profondeur de la blessure. Ce n’est pas un simple fichier numérique qui s’est évaporé, mais un pan de son âme d’écrivain. « Mieux vaut perdre un œil ou un rein. Je ne souhaite à personne de perdre un manuscrit », a-t-il déclaré, évoquant un vide abyssal, un désastre créatif survenu à quelques heures seulement de l’envoi prévu du texte à son éditeur parisien, Le Seuil.

Le drame s’est joué dans sa résidence de Conakry. En une fraction de seconde, un ordinateur disparaît. Et avec lui, trois années de travail, d’obsession, de doutes et d’espérance. Pendant six mois, l’auteur de Saharienne Indigo reste prostré, incapable de reprendre la plume. « Je ne pouvais même pas lever le petit doigt », confie-t-il, les mots pesant comme des pierres. « J’étais complètement à terre. »

Mais dans les décombres du silence et du désespoir, une étincelle a surgi. Peu à peu, Tierno Monénembo a repris l’écriture. Plus de cent pages ont déjà vu le jour. Le roman renaît, lentement, douloureusement, comme une peau repoussant sur une plaie vive. Et avec cette résilience, une révélation : celle d’un peuple solidaire.

Car au-delà du chagrin personnel, cette mésaventure a révélé une autre vérité, inattendue : un soutien massif, populaire, profond. « Je me suis rendu compte d’une chose : c’est que je n’étais pas seul en Guinée. Je pense qu’au sommet de l’État, j’ai même beaucoup d’ennemis. Mais au niveau de la société guinéenne, j’ai beaucoup de frères et d’amis. Ça, je l’ai ressenti profondément après la perte de mon manuscrit. »

Un collectif de jeunes s’est spontanément formé, lançant appels à témoins et messages sur les réseaux sociaux pour tenter de retrouver l’ordinateur disparu. Sans succès à ce jour. Mais qu’importe : le geste demeure. Et dans un pays où les écrivains sont souvent tenus à la marge, ce sursaut citoyen résonne comme un hommage vibrant à la littérature et à ceux qui la font vivre.

Tierno Monénembo, écrivain debout malgré tout, avance à nouveau. Sans œil perdu, sans rein arraché, mais avec cette conviction intacte que les mots, même volés  finissent toujours par revenir.

Laguinee.info

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