En 2024, le rêve européen s’éloigne pour des milliers d’Africains, refoulés en masse aux portes du système Schengen. En cause : des taux de refus records, une opacité criante, et une mécanique qui semble verrouillée.
En matière de visas Schengen, l’Afrique paie le prix fort. Alors que les mobilités internationales sont en plein essor, le continent enregistre des taux de refus parmi les plus élevés au monde. Une réalité dure, documentée, mais souvent reléguée au second plan du débat public européen.
Selon les données les plus récentes de la Commission européenne, les demandeurs africains se heurtent à un véritable mur administratif. Six des dix pays les plus touchés par les refus sont africains. Les Comores décrochent tristement le record avec un taux de refus de 61,3 %, suivies de près par la Guinée-Bissau (51 %), le Ghana (47,5 %), le Mali (46,1 %), le Soudan (42,3 %) et le Sénégal (41,2 %). Des chiffres qui donnent le vertige.
Le visa Schengen, un luxe à fonds perdus
Ces refus ne sont pas qu’un désagrément bureaucratique. Chaque demande rejetée coûte en moyenne entre 80 et 120 euros, un montant non remboursable, qui représente parfois un mois de salaire. À l’échelle du continent, ces refus répétés constituent une véritable hémorragie financière. Des milliers de dossiers rejetés, des millions engloutis sans possibilité de recours, ni explication claire.
Pour les candidats au voyage, l’incertitude est totale. La démarche est souvent longue, coûteuse, opaque, et rarement récompensée. Les documents exigés sont nombreux, les garanties financières difficilement prouvables dans des économies informelles, et la perception du “risque migratoire” plane comme une épée de Damoclès sur les passeports africains.
Une inégalité structurelle assumée ?
Le cabinet Henley & Partners, spécialisé dans les questions de mobilité internationale, a mis en lumière une donnée accablante : en 2023, les Africains ont formulé deux fois moins de demandes de visa que les Asiatiques… mais étaient deux fois plus susceptibles d’essuyer un refus. L’écart moyen atteint 14 points de pourcentage. La sévérité, elle, semble à géométrie variable.
Et le parcours du combattant commence bien avant l’examen du dossier. La rareté des consulats sur le continent oblige parfois à voyager dans un pays voisin rien que pour soumettre une demande. Les plateformes de prise de rendez-vous sont saturées, l’assistance limitée, et les critères d’évaluation restent flous.
Un visa aux allures de privilège
Face à cette situation, une question s’impose : le système des visas Schengen traite-t-il équitablement tous les demandeurs, ou reproduit-il une hiérarchie implicite entre les nationalités ? Car au-delà des chiffres, c’est une vision du monde qui se dessine — celle où la mobilité devient un privilège, et non un droit.
Tant que les règles ne seront ni uniformes, ni transparentes, l’Afrique restera en marge de l’espace Schengen. Et pour beaucoup de ses citoyens, le visa continuera d’être non pas un sésame, mais un mirage.