Dans une lettre adressée au président de la transition, Général Mamadi Doumbouya, l’Union Syndicale des Enseignants-Chercheurs et Chercheurs de Guinée (USECCG) tire la sonnette d’alarme sur ce qu’elle qualifie de crise structurelle et morale dans l’enseignement supérieur guinéen. Cette démarche, portée par son Secrétaire général, Camarade Telliano Alphonse, se veut à la fois un plaidoyer ferme et un appel au sursaut étatique.
Une naissance syndicale révélatrice d’un malaise profond
« La création de l’Union Syndicale des Enseignants – Chercheurs et Chercheurs de Guinée (USECCG) est le fruit d’une prise de conscience collective face aux défis croissants auxquels est confronté le secteur de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique. »
Ainsi commence la lettre, dans un ton mesuré, mais révélateur d’une accumulation de frustrations. Selon l’USECCG, le paysage universitaire guinéen souffre non seulement d’un sous-financement chronique, mais aussi de disparités de traitement injustifiables entre les travailleurs du ministère de l’Enseignement Supérieur, de la Recherche Scientifique et de l’Innovation (MESRSI).
Une situation marquée par l’iniquité et l’exclusion
Le syndicat dénonce une série de dysfonctionnements qui affectent la motivation et la stabilité des enseignants-chercheurs. L’un des points les plus sensibles : les écarts salariaux vertigineux au sein même du corps académique.
« Cette organisation syndicale a pour mission de défendre les droits et intérêts des travailleurs du MESRSI, tout en œuvrant à l’amélioration de leurs conditions de travail et de vie touchent plus de 9 000 000 FG. Cette situation crée une injustice manifeste et une division au sein du personnel. »
En clair, des enseignants ou chercheurs occupant des fonctions similaires dans les mêmes institutions reçoivent des traitements salariaux très inégaux. Une telle situation, selon l’USECCG, engendre des tensions internes, démotive les plus méritants, et nuit à la cohésion universitaire.
Une discrimination persistante entre nationaux et expatriés
Autre motif de discorde : le différentiel de traitement entre chercheurs guinéens et étrangers. Bien que la coopération académique soit encouragée, les écarts de rémunération sont jugés exagérés.
« Sur le plan stratégique, la discrimination salariale entre chercheurs locaux et étrangers compromet les efforts de valorisation de la recherche et de l’innovation en Guinée. »
Pour le syndicat, cette situation envoie un signal dangereux : la compétence nationale est sous-évaluée, alors même que les autorités appellent à la « valorisation des ressources locales ». L’enjeu n’est pas simplement financier. Il touche à la reconnaissance, à la motivation et à l’avenir même du système éducatif.
Une plateforme de revendications claires
Face à cette accumulation de griefs, l’USECCG ne se contente pas de dresser un constat alarmant. Elle propose un plan d’action en quatre points, qu’elle soumet directement au Chef de l’État :
1. Garantir le versement régulier et ponctuel des fonds destinés aux Enseignants – Chercheurs en formation ;
2. Accélérer le reclassement des Enseignants – Chercheurs et Chercheurs en attente, avec une harmonisation des salaires en fonction des qualifications ;
3. Mettre fin à l’exclusion des homologues et contractuels temporaires, en procédant à leur intégration ou régularisation à la fonction publique ;
4. Assurer une équité salariale entre les Chercheurs guinéens et étrangers, afin de stimuler la motivation et le rayonnement de nos talents locaux.
Ces revendications, jugées légitimes par plusieurs observateurs, relèvent d’un socle minimum pour relancer la dynamique du secteur. Car si le pays veut rattraper son retard en matière d’enseignement supérieur et de recherche, il doit d’abord garantir des conditions stables à ceux qui forment et produisent le savoir.
Une demande d’action présidentielle
Tout au long de sa lettre, le syndicat interpelle directement le Président de la République, lui rappelant l’importance stratégique du secteur et son rôle décisif dans sa réforme :
« L’amélioration des conditions des Enseignants – Chercheurs et Chercheurs est une condition essentielle pour garantir le développement de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique en Guinée. »
Le syndicat souligne que sans réponse rapide, la crise actuelle pourrait s’approfondir et compromettre les efforts engagés pour réformer l’enseignement. Il mise toutefois sur la capacité du Chef de l’État à entendre cet appel.
« L’USECCG reste confiante en votre leadership et en votre volonté de bâtir un système académique solide et équitable. Nous comptons sur votre discernement et votre appui pour répondre aux attentes légitimes des enseignants-chercheurs et chercheurs, qui œuvrent au service de la nation. »
Entre vigilance syndicale et responsabilité d’État
Ce courrier marque un tournant : les enseignants-chercheurs ne veulent plus rester dans l’ombre. Ils demandent reconnaissance, transparence, équité. Leurs doléances ne se réduisent pas à des chiffres ou des primes. Il s’agit d’un combat pour la dignité professionnelle, dans un pays où l’intellectuel est souvent relégué au second plan.
Dans une Guinée en quête de refondation, l’avenir du système éducatif repose sur des décisions courageuses. L’État est interpellé. Le personnel académique est mobilisé. La balle est désormais dans le camp du pouvoir exécutif.
Laguinee.info