samedi, avril 19, 2025
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CRIEF : Damaro, les accusations et Louncény Camara

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L’audience de ce jeudi 17 avril à la chambre des appels de la Cour de Répression des Infractions Économiques et Financières (CRIEF) a été marquée par un témoignage inattendu et particulièrement accablant. L’ancien Président de l’Assemblée nationale, l’honorable Amadou Damaro Camara, est revenu longuement sur les circonstances de son arrestation, qu’il attribue à une lettre anonyme signée à titre posthume  par son ancien collègue, feu Louncény Camara.

Condamné le 2 décembre 2024 à quatre ans de prison ferme et à dix millions de francs guinéens d’amende, Damaro Camara n’a pas mâché ses mots. « Louncény Camara était le président de la commission Infrastructures (du Parlement). Je lui ai remis le premier chèque de 900 millions GNF pour payer l’entreprise de monsieur Kim dont le siège se trouve à Coyah. Mais (Kim) se trouvait dans ses tours jumelles ici (à Kakimbo). Je lui avais dit donc qu’il pouvait aller là-bas pour lui remettre le chèque. Et quand il est parti, il aurait demandé de l’argent à Kim. Ce dernier m’a appelé pour dire : Monsieur Camara, je vous ai dit que je ne veux pas de ce marché, je ne gagne rien. Mais voilà que ton envoyé me demande de l’argent… Je l’ai répondu : Ne donne rien. Si tu donnes quoi que ce soit, c’est à titre personnel. On ne t’a pas demandé de commission… », rapporte Africaguinee.com.

Selon lui, deux semaines plus tard, une autre tranche de 900 millions GNF a été remise à Louncény Camara pour la même mission. Cette fois encore, des irrégularités sont apparues. « Kim me l’a fait savoir des jours après », a-t-il affirmé, avant de conclure : « J’ai dissous la commission (parlementaire) présidée par Louncény. C’était ma façon de le sanctionner. »

Cette décision n’aurait pas plu à son ancien collaborateur. D’après Damaro, Louncény aurait alors pris l’initiative de rédiger une lettre à l’attention du Président Alpha Condé, l’accusant de vouloir détourner les 15 milliards GNF destinés au futur siège de l’Assemblée. « Le professeur Alpha Condé a appelé certains membres du bureau (de l’Assemblée) et certains présidents de commission, il y en a même certains dans cette salle. C’est quand ces personnes sont arrivées qu’il (Alpha Condé, ndlr) m’a appelé pour dire qu’il a reçu une lettre et qu’il est obligé de prendre ses dispositions. J’étais d’accord. »

La scène décrite par Damaro laisse entrevoir un climat tendu et explosif. « Il a donné la parole à Louncény qui s’est expliqué. Le président lui a dit : mais Louncény, tu n’es pas sérieux ? L’argent que je n’ai même pas payé encore, comment tu peux accuser Damaro de l’avoir détourné ? Il lui a jeté la lettre, il a demandé à la commission de quitter son bureau et d’aller régler ça dans le groupe parlementaire. Après, c’est le président même qui m’appelle pour me faire ce compte-rendu. Quand ils sont revenus au groupe parlementaire, on a failli porter main sur Louncény. »

Mais l’affaire ne s’est pas arrêtée là. Avec le changement de régime, les tensions refont surface. « Après, dès le lendemain du 5 septembre (coup d’État), Louncény relance (l’affaire) par une lettre anonyme pour dire que “les 15 milliards ont été détournés”. Ils étaient tous dans la logique de vengeance… C’était un vendredi et le lundi j’ai reçu la convocation d’aller à la gendarmerie. Je crois que ça nous a pris trois semaines d’enquête… »

Le récit prend ensuite un ton plus dramatique, lorsque Damaro revient sur son interpellation. « On m’a trimballé à la CRIEF le 27 avril 2022 à 11h30. On m’a fait asseoir sur une petite chaise dans le couloir ici de 11h30 à minuit 30, j’étais assis là pendant 13 heures au mois de Ramadan. C’est à minuit 30 qu’on me fait rentrer dans une salle pour m’annoncer que l’audience est ouverte. »

Il poursuit : « Pendant la journée, mon fils qui est à Paris m’a appelé pour m’informer qu’il aurait appris à la radio que je devais être en prison le même jour. Il n’y avait que l’accusation du procureur spécial… Une longue liste d’accusations, des propriétés, des comptes bancaires, etc. On m’a emmené à la maison centrale vers 1h du matin… »

Trois ans plus tard, ces révélations donnent une nouvelle tournure à une affaire complexe, où s’entremêlent rivalités politiques, soupçons de détournement, et guerre d’influence dans les coulisses du pouvoir parlementaire. La CRIEF poursuivra l’examen de l’appel, mais cette audience aura, à coup sûr, marqué les esprits.

Laguinee.info

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