Une tension longtemps contenue vient d’exploser à Sanoyah. Mardi 15 avril 2025, la Coordination de la Jeunesse de la commune urbaine a organisé une manifestation pour exiger le respect des limites administratives de la commune, telles que définies par un décret présidentiel. Ce rassemblement, initialement pacifique, a dégénéré en affrontements violents avec les forces de l’ordre, entraînant des blessés, des arrestations et des destructions de biens.
Une jeunesse qui dit non au « grignotage territorial »
À l’origine de la manifestation : une vieille revendication territoriale. La jeunesse de Sanoyah accuse les communes voisines de Kagbélen et de Manéah d’occuper illégalement certaines parties de leur territoire. La Coordination, qui regroupe les secrétaires généraux de la jeunesse des dix quartiers de la commune, soutient que les limites sont pourtant claires.
Selon Kalas Kamano, l’un des responsables de la Coordination, le décret présidentiel fixe les limites de la commune au nord par la route Le Prince, de Hamdallaye à Kagbélen, et au sud jusqu’à l’océan Atlantique. Mais sur le terrain, dit-il, la réalité est toute autre. « La commune de Kagbélen continue de s’étendre jusqu’aux rails de la CBK, une zone qui appartient à Sanoyah », affirme-t-il.
Manéah et Kagbélen dans le viseur
Les accusations ne s’arrêtent pas à Kagbélen. La commune urbaine de Manéah est également mise en cause. Selon les manifestants, elle tente de s’approprier des secteurs entiers comme Sombê et Azizia – ce dernier abritant, ironie du sort, le domicile du maire de Manéah. Plus encore, le quartier Kassognah serait administré par Manéah alors qu’il devrait, selon la Coordination, faire partie intégrante de Sanoyah.
Une situation perçue comme une provocation par les jeunes leaders locaux, qui dénoncent un jeu politique de mainmise territoriale déguisée, avec le silence complice de certaines autorités.
Des démarches restées sans suite
Face à ce qu’ils considèrent comme une occupation progressive, la Coordination affirme avoir multiplié les démarches officielles : courriers adressés au Gouvernorat de Coyah, au Conseil National de la Transition (CNT), à la préfecture, et même au secrétariat de la mairie de Sanoyah. Résultat : un mur d’indifférence. « Depuis plus d’un mois, nous n’avons eu droit qu’à des promesses creuses », déplore Kamano.
Les tensions se sont accrues avec la rumeur persistante de l’installation prochaine de bureaux de vote par les communes de Manéah et de Kagbélen dans les zones litigieuses. Pour les jeunes de Sanoyah, cette initiative est inacceptable : elle reviendrait à valider de fait l’annexion des territoires en question.
Une manifestation qui tourne à l’affrontement
Lassés par l’attentisme des autorités, les membres de la Coordination ont alors organisé une manifestation devant la mairie. L’ambiance, d’abord calme, s’est rapidement tendue. Selon plusieurs témoignages, des éléments des forces de l’ordre seraient intervenus sur instruction du maire pour disperser les manifestants.
Les affrontements ont fait plusieurs blessés, des biens ont été endommagés, et plusieurs jeunes ont été interpellés. « Le maire a ordonné qu’on nous traque. Ce qui devait être une manifestation pacifique a viré à l’affrontement. C’est inacceptable », s’indigne un membre de la Coordination.
Les autorités locales n’ont pas, pour l’instant, communiqué officiellement sur les événements, ni sur les accusations portées contre les maires de Kagbélen et de Manéah. Le silence officiel alimente la colère et l’amertume des manifestants.
Une mobilisation qui s’annonce durable
Malgré la répression, la Coordination de la Jeunesse de Sanoyah affirme ne pas baisser les bras. Au contraire. Ses membres annoncent une intensification de la mobilisation dans les jours à venir. « Tant que la commune n’aura pas retrouvé l’intégralité de son territoire, nous continuerons le combat », promettent-ils.
La crise de Sanoyah révèle un problème plus large : celui de la gestion floue, parfois politisée, des limites territoriales en Guinée. Une bombe à retardement que les autorités gagneraient à désamorcer avant qu’elle ne fasse d’autres victimes.
IAC, pour www.laguinee.info