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Les tuyaux n’ont pas de genre : Mariame Zotomy, la plombière qui défie les stéréotypes à Kankan 

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Dans les ruelles animées de Kankan, où les métiers techniques sont encore largement dominés par les hommes, une femme défie les conventions. Mariame Zotomy, la trentaine révolue, mère de famille et cheffe d’entreprise, s’impose dans un domaine où l’on attend rarement une femme : la plomberie.

À l’occasion de ce mois de mars dédié à la femme, son parcours mérite d’être raconté. Car au-delà de son métier, c’est une histoire de passion, de détermination et de résilience face aux défis d’une société où certaines professions restent perçues comme masculines.

Une vocation née d’une curiosité audacieuse

Mariame Zotomy n’a pas toujours rêvé de plomberie. En 2011, alors qu’elle est orientée vers une formation en couture grâce à un programme de l’UNICEF, elle se surprend à observer les plombiers du centre de formation. Fascinée par leurs gestes techniques et la précision de leur travail, une idée germe en elle.

« Quand je voyais les plombiers à l’œuvre, quelque chose en moi vibrait. Je me suis dit : pourquoi ne pas essayer ? », raconte-t-elle avec un sourire malicieux.

Cette envie ne la quitte plus. Mais dans un monde où les choix des femmes sont souvent dictés par des traditions et des attentes familiales, le changement de cap n’est pas évident. Elle prend pourtant son courage à deux mains et va voir le directeur du centre.

« Je lui ai expliqué que la plomberie me passionnait et que je voulais me réorienter. Il m’a répondu que si c’était ce que je voulais vraiment, alors je devais foncer. »

Encouragée, elle débute alors sa formation en plomberie, enchaînant stages pratiques et chantiers à Kérouané, avant de se faire une place à Kankan.

Maîtresse de son art, cheffe de son entreprise

Aujourd’hui, Mariame Zotomy est une maître-plombière respectée. Non seulement elle exerce avec brio son métier, mais elle emploie aussi deux apprentis, tous deux des hommes. Son expertise est recherchée dans la ville, et elle décroche régulièrement de gros contrats.

« J’ai choisi de me spécialiser dans la plomberie, car c’est ce que je maîtrise le mieux. Quand je ne peux pas me rendre sur un chantier, j’y envoie mes apprentis. »

Parmi ses réalisations notables, elle cite avec fierté sa participation aux travaux de plomberie d’un grand hôtel de la ville. Un symbole fort pour elle, qui a commencé avec peu de moyens mais une volonté inébranlable.

Cependant, être une femme dans ce milieu n’est pas toujours évident. Certains clients doutent encore de ses compétences au premier abord. Mais dès qu’elle commence à travailler, les préjugés s’effondrent.

« Parfois, on me regarde avec surprise quand j’arrive sur un chantier. Mais une fois que je me mets à l’œuvre, ils comprennent que je sais ce que je fais. »

Entre vie de famille et travail : un équilibre délicat

Si son métier lui apporte indépendance et satisfaction, concilier vie professionnelle et vie familiale est un défi quotidien. Mère de deux enfants, elle doit jongler entre ses responsabilités de mère et les exigences de son travail.

« Je me lève à 5h du matin pour préparer mes enfants avant l’école. Dès que tout est en ordre à la maison, je pars travailler. »

Heureusement, elle peut compter sur le soutien de son mari, un pilier essentiel dans son parcours.

« Mon mari me soutient énormément. Il ne pose aucun problème à mon travail. Parfois, quand je dois intervenir tard la nuit, il m’accompagne et attend que je finisse avant de rentrer ensemble. »

Dans une société où les femmes sont encore souvent reléguées aux tâches domestiques, avoir un époux compréhensif est une chance qu’elle mesure à sa juste valeur.

Des débuts difficiles, une détermination sans faille

Avant d’atteindre cette stabilité, Mariame Zotomy a connu des jours sombres. À ses débuts, elle travaille pour un employeur peu scrupuleux qui lui verse à peine 30 000 GNF par jour, sans même lui offrir de repas ou s’inquiéter de son bien-être lorsqu’elle tombe malade.

 « Il ne me considérait pas du tout. Si je tombais malade, il ne prenait même pas de mes nouvelles. »

Malgré ces obstacles, elle refuse d’abandonner. Elle quitte cet emploi ingrat et décide de se lancer seule. Peu à peu, elle se construit un réseau, gagne en expérience et prouve sa valeur.

Encourager les femmes à embrasser tous les métiers

Aujourd’hui, forte de son parcours, elle veut inspirer d’autres femmes à oser. Pour elle, l’autonomisation féminine ne passe pas par des revendications, mais par l’action.

« Les femmes doivent croire en elles et oser apprendre. Il ne faut pas se dire qu’un métier est réservé aux hommes. Moi, je fais de la plomberie, mais aussi du carrelage et même de la maçonnerie ! »

Son message est clair : les barrières sont avant tout dans la tête. Elle rêve d’un avenir où les femmes auront pleinement leur place dans tous les secteurs, loin des stéréotypes.

Un rêve : l’émancipation des femmes par le travail

Au-delà de sa propre réussite, Mariame Zotomy nourrit un projet plus grand : aider d’autres femmes à s’émanciper grâce à un métier.

« Ce n’est pas une question d’égalité entre hommes et femmes. C’est une question d’indépendance. Si une femme a une compétence, elle n’a pas besoin d’attendre qu’on lui donne quoi que ce soit. »

Elle envisage même de créer un centre de formation pour initier les jeunes filles aux métiers techniques.

Dans les ruelles de Kankan, entre tuyaux et clés à molette, Mariame Zotomy incarne une vérité simple : le talent et la volonté ne connaissent pas de genre.

 

Karifa Kansan Doumbouya, depuis Kankan, pour Laguinee.info.

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