jeudi, janvier 30, 2025
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Quand la transition devient tradition : l’art guinéen du surplace (billet)

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Le mot « transition » évoque, en théorie, un passage rapide, une sorte de halte provisoire sur le chemin d’un avenir meilleur. Mais en Guinée, il semble que ce concept ait muté en un art de l’éternité. Ce qui devait être un sprint pour rétablir un ordre constitutionnel est devenu un marathon sans fin, où les étapes s’allongent au gré des intérêts de ceux qui tiennent les rênes.

Un pouvoir sans échéance : la magie des reports

Officiellement, la transition est une mission sacrée : poser les bases d’une démocratie solide, reconstruire les institutions, assainir la gouvernance. Mais dans la réalité, elle se transforme en un prétexte idéal pour retarder indéfiniment l’échéance électorale. Chaque report est accompagné de prétextes soigneusement emballés : « Le recensement des électeurs n’est pas complet », « Les audits révèlent des anomalies », ou encore « Le climat sociopolitique reste tendu ».

Ces arguments, bien que plausibles en surface, cachent une autre vérité : ceux qui détiennent le pouvoir n’ont aucun intérêt à le lâcher si tôt. Pourquoi ? Parce qu’une transition sans fin offre un terrain fertile pour un autre sport national : le détournement des ressources publiques.

Les détournements, ce cancer de la transition

Au cœur de cette interminable parenthèse politique se joue une pièce bien moins reluisante : celle de la dilapidation des deniers publics. Les promesses de réformes structurelles et de transparence sont vite éclipsées par des scandales financiers à répétition. Des budgets destinés aux infrastructures disparaissent comme par enchantement, des marchés publics sont attribués dans des conditions opaques, et les comptes de l’État se vident à mesure que les fortunes privées s’amplifient.

Les routes promises restent des pistes boueuses, les hôpitaux sont toujours à l’agonie, et les écoles continuent de s’effondrer sous le poids de l’indifférence. Mais qu’importe : quelques « privilégiés de la transition » prospèrent, alimentant des comptes bancaires à l’étranger ou investissant dans des villas cossues loin des réalités quotidiennes de leurs concitoyens.

Et le peuple dans tout ça ?

Pendant ce temps, le peuple guinéen attend. Il observe avec lassitude cette comédie tragique où l’on joue avec son avenir comme on bricole un budget fictif. Chaque jour, il endure les coupures de courant, la flambée des prix, l’absence d’emploi, et le silence assourdissant des autorités face à ses souffrances.

Pourtant, ce peuple a des limites. Il grogne, manifeste, parfois se révolte. Mais chaque fois, les réponses sont les mêmes : répression, promesses vides, et nouvelles échéances illusoires. La stratégie semble claire : gagner du temps, épuiser les contestataires, et continuer à jouir des privilèges offerts par cette transition sans fin.

Jusqu’à quand ?

La véritable question est celle-ci : jusqu’à quand cette mascarade durera-t-elle ? Jusqu’à quand allons-nous tolérer qu’un processus censé être transitoire devienne une tradition ? Une chose est sûre : si les Guinéens ne se lèvent pas pour exiger des comptes, les transitions à rallonge pourraient devenir le modèle par défaut de gouvernance.

 

En attendant, les maîtres de cette parenthèse historique continuent de jongler avec les échéances et les promesses, savourant chaque instant d’un pouvoir qui ne leur a coûté qu’un discours sur la « refondation ». Mais que personne ne s’y trompe : ce n’est pas l’avenir qu’ils refondent, c’est leur propre confort. Quant à nous, nous restons spectateurs d’un spectacle qui, pour beaucoup, a cessé d’être amusant depuis bien longtemps.

Laguinee.info

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