jeudi, janvier 30, 2025
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Tapisserie à Conakry : L’artisanat face à l’augmentation des coûts

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Dans les rues animées de Conakry, au cœur des ateliers de tapisserie, les artisans se battent chaque jour contre la montée inexorable des prix et des conditions de travail de plus en plus précaires. C’est dans un de ces ateliers, poussiéreux et à peine éclairé, que nous rencontrons Aimé Kolié, un tapissier expérimenté, dont le visage marqué par les années témoigne de la résilience nécessaire pour exercer ce métier.

Les obstacles au quotidien

Aimé Kolié est un homme de 45 ans, à la silhouette robuste, mais l’épuisement est visible dans ses yeux. Tapissier depuis 15 ans, il raconte comment son métier, autrefois florissant, est aujourd’hui en proie à une série de difficultés. « Quand tu débutes, tu as cette idée que tout est possible. Mais aujourd’hui, même si tu as le savoir-faire, tu te sens piégé », explique-t-il, en désignant les vieux fauteuils qui l’entourent. La pièce est encombrée de bois, de tissus et de coussins, tous en attente d’une nouvelle vie.

« Avant, j’achetais le bois Lati à 6 000 francs. Aujourd’hui, il est à 17 000. Les planches pour les fauteuils, elles, sont passées de 2 000 à 25 000″, ajoute-t-il d’une voix grave. « Les pointes, la colle, tout a doublé, triplé parfois… c’est devenu un luxe de faire de la tapisserie. »

Aimé secoue la tête, presque incrédule, alors qu’il prend une planche de bois sous le bras, son regard fixant un point invisible. Le coût des matériaux a explosé, et il faut désormais jongler avec des prix qui ne cessent de grimper.

Une guerre silencieuse contre les prix

Mais les hausses de prix ne se limitent pas aux matières premières. Les tissus, ces derniers éléments qui confèrent aux meubles leur élégance, sont devenus une véritable source de stress pour Aimé. « Les chiffons importés coûtent jusqu’à 850 000 francs guinéens, parfois plus, selon la qualité. Mais même si c’est cher, il faut les acheter », confie-t-il. Les clients, exigeants sur la qualité, n’ont d’autre choix que de se tourner vers ces produits coûteux, préférant les tissus importés à ceux produits localement.

Dans un coin de l’atelier, une pile de tissus empilés laisse entrevoir des couleurs chatoyantes, mais derrière chaque mètre de tissu se cache une réalité économique bien plus sombre. Les artisans doivent se résoudre à accepter ces prix élevés, faute de quoi leur travail risquerait de perdre sa crédibilité aux yeux des consommateurs. « Si le client n’est pas satisfait, ton travail ne vaut plus rien« , souligne Aimé, un regard empreint de frustration.

Les importations : un fardeau supplémentaire

L’importation des matériaux ne fait qu’ajouter un poids supplémentaire à un métier déjà accablé. Le dédouanement, ces frais imposés par l’État pour permettre l’entrée des produits étrangers sur le territoire, augmente encore le coût des fournitures. « C’est une véritable charge pour nous », s’exclame Aimé. « On achète, on paie les taxes, et quand les matériaux arrivent, le prix n’a fait qu’augmenter. C’est un cercle vicieux. »

Aimé évoque les difficultés de se procurer des matériaux essentiels en Guinée. Le bois, les tissus, les pointes, tout est importé, et chaque étape de l’approvisionnement est marquée par des hausses de coûts incontrôlables. Le marché local est dominé par les prix élevés des produits étrangers, rendant l’activité encore plus complexe.

La passion, malgré tout

Pourtant, Aimé Kolié ne se laisse pas abattre. Lorsqu’on lui demande s’il envisage de quitter la tapisserie, il répond sans hésitation : « Non. Tant que mes mains peuvent tenir un marteau, je vais continuer. Je gagne ma vie avec ça, et j’ai des clients fidèles. Ils aiment mon travail. Et moi, je ne peux pas les décevoir. » Ses clients le respectent pour son savoir-faire et la qualité de ses créations, un gage de confiance mutuelle.

Malgré les obstacles économiques, Aimé se bat pour maintenir son activité. « Il faut aimer ce qu’on fait, et c’est ce qui me fait tenir. Mais la réalité, c’est que les coûts sont trop élevés. Si ça continue, je ne sais pas combien de temps on pourra encore tenir », confie-t-il en regardant son atelier.

Un appel à l’aide

C’est alors que son regard s’assombrit. « Je lance un appel aux autorités », dit-il d’une voix forte, presque désespérée. « Il faut que le gouvernement baisse les taxes de dédouanement et aide les artisans à se procurer des matériaux à un prix abordable. On n’en peut plus de subir cette situation. Cela nous permettrait de travailler sereinement et de maintenir nos sources de revenus. »

Le tapissier, bien qu’optimiste quant à la fidélité de sa clientèle, sait que la rentabilité du métier est de plus en plus menacée. La solution, selon lui, réside dans une intervention des autorités pour alléger le fardeau économique que subissent les artisans guinéens.

Le futur incertain de la tapisserie

Ainsi, dans les ateliers de tapisserie de Conakry, derrière les mains expertes des artisans, se cache un combat quotidien contre la précarité. Aimé Kolié, comme de nombreux autres, continue d’espérer des jours meilleurs, tout en créant des pièces qui décorent et transforment les foyers. Mais sans un soutien concret de l’État, ce métier pourrait bien finir par disparaître, englouti par les hausses de prix et les défis économiques.

IAC, pour Laguinee.Info

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