jeudi, janvier 9, 2025
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Constitution d’un panel d’experts pour évaluer l’avant-projet de la Constitution: le président Doumbouya doute-t-il du travail fait par le CNT ?

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Le discours prononcé par le président de la transition, sur l’avancement du processus constitutionnel en Guinée, a introduit une décision clé : la constitution d’un panel d’experts pour évaluer l’Avant-projet de Constitution avant qu’il ne soit soumis à référendum. Cette annonce, bien que présentée comme un geste d’inclusivité et de prudence, soulève plusieurs interrogations sur les motivations du président, la légitimité du Conseil National de la Transition (CNT), et la transparence du processus constitutionnel.

1. La recherche d’une Constitution solide : Un objectif légitime

Le président de la transition met l’accent sur l’importance d’une Constitution « solide » qui devra constituer le fondement de la « Nouvelle République » guinéenne. Dans un pays marqué par des révisions constitutionnelles fréquentes et souvent controversées, cette déclaration pourrait être perçue comme un acte de prudence, visant à éviter les erreurs du passé. En effet, la Guinée a connu des révisions constitutionnelles contestées, parfois perçues comme des manœuvres politiques pour prolonger le pouvoir de certains dirigeants. Le président semble donc vouloir s’assurer qu’une Constitution pérenne, consensuelle et juridiquement solide émerge de ce processus.

Cependant, la constitution d’un panel d’experts révèle que le président doute peut-être de la capacité de l’Avant-projet élaboré par le CNT à atteindre cet objectif. S’il affirme la compétence du Conseil National de la Transition, il semble néanmoins considérer nécessaire un second avis d’experts externes, non seulement pour légitimer le texte, mais aussi pour en garantir la rigueur technique. Cette démarche apparaît donc comme une volonté de surmonter les incertitudes sur la qualité du projet de Constitution, une démarche plus pragmatique que purement symbolique.

 

2. Un panel d’experts : un gage de crédibilité ou de méfiance ?

L’un des aspects les plus intéressants de cette annonce est la constitution d’un panel d’experts « reconnus et incontestables » en matière constitutionnelle. Ce recours à des figures extérieures au CNT peut être perçu comme une volonté de rassurer la population et les observateurs nationaux et internationaux sur la qualité du processus. Le président cherche probablement à éviter que l’Avant-projet de Constitution soit perçu comme l’œuvre d’une seule instance, susceptible d’être influencée par des intérêts politiques spécifiques.

Toutefois, la décision de faire intervenir un groupe d’experts pourrait également suggérer une forme de défiance vis-à-vis du CNT. Bien que ce dernier ait pour mission de rédiger le projet de Constitution, l’appel à des spécialistes externes pourrait être interprété comme une remise en question implicite de son efficacité ou de son indépendance. En effet, dans un contexte de transition où le pouvoir militaire reste au sommet de l’État, la crainte de voir le CNT trop politisé, ou influencé par les intérêts des actuels dirigeants, peut justifier cette décision. Le président cherche ainsi à ajouter une couche de crédibilité juridique au processus constitutionnel, afin d’éviter toute accusation de manipulation ou de partialité.

3. Un processus inclusif ou superficiel ?

Le discours met également en avant une campagne de vulgarisation de l’Avant-projet de Constitution dans tout le pays, une initiative visant à rendre le processus plus inclusif et participatif. En théorie, une telle démarche devrait permettre à chaque Guinéen, ou du moins à une large portion de la population, de prendre part au débat sur la future Constitution. Mais cette consultation populaire pourrait sembler insuffisante sans une expertise technique approfondie.

C’est là que la constitution du panel prend tout son sens : elle vise à renforcer cette démarche inclusive par l’introduction d’une expertise technique et juridique qui complète l’aspect participatif du processus. Cependant, certains pourraient y voir une forme de superficialité dans le processus initial de consultation, dans lequel la population aurait été informée sans véritablement avoir la capacité d’évaluer les implications juridiques du projet de Constitution. En ce sens, l’appel à des experts semble être une réponse à cette possible lacune dans la démarche inclusive du CNT.

4. La prévoyance d’un référendum sans débats inutiles

Le président annonce également son souhait d’éviter « de débattre de l’inutile » lors de la campagne référendaire. Cette déclaration pourrait être interprétée de deux manières : d’abord comme un désir de concentrer les débats sur les éléments essentiels du texte, et ensuite comme une tentative de maîtriser le calendrier et l’agenda du référendum. En Guinée, les processus référendaires ont souvent été l’occasion de luttes politiques où des questions secondaires, parfois stériles, ont détourné l’attention des enjeux fondamentaux.

Dans ce cadre, la constitution du panel d’experts apparaît comme une stratégie pour éviter toute dérive ou politisation excessive du débat référendaire. En s’assurant que le texte final sera techniquement irréprochable, le président espère réduire la marge de manœuvre pour les opposants qui pourraient tenter de dévier le débat sur des aspects purement politiques ou juridiques. Ainsi, cette décision pourrait également viser à garantir une campagne référendaire plus fluide et centrée sur les véritables enjeux de la future Constitution.

5. La légitimité du processus constitutionnel : une préoccupation stratégique

Enfin, il est impossible de négliger l’aspect stratégique de cette décision. En annonçant que l’année 2025 sera celle de la mise en place de la « Nouvelle République », le président souhaite marquer une rupture avec le passé et inscrire sa transition dans une perspective de renouveau politique. En impliquant des experts externes et reconnus, il cherche à renforcer la légitimité du processus constitutionnel et à s’assurer qu’il ne sera pas perçu comme une simple construction politique, mais comme un projet national, fondé sur des principes solides et partagés.

Cette démarche vise aussi à éviter toute contestation future du texte constitutionnel. Le recours à des experts externes est donc également un moyen de se prémunir contre les accusations de manipulation ou de manque de transparence, qui pourraient fragiliser la légitimité du texte aux yeux du peuple guinéen et des acteurs internationaux.

Un choix difficile mais nécessaire

La constitution d’un panel d’experts par le président de la transition en Guinée est une décision qui peut être vue sous différents angles. D’un côté, elle représente un gage de prudence et de rigueur dans l’élaboration de la future Constitution, visant à éviter les erreurs du passé et à assurer une légitimité incontestable au texte final. De l’autre, elle peut être perçue comme un signe de méfiance vis-à-vis du CNT, dont le rôle, bien que salué, reste subordonné à l’aval d’experts extérieurs. Dans tous les cas, cette décision semble s’inscrire dans un objectif plus large : celui de garantir une transition pacifique et un avenir institutionnel solide pour la Guinée, tout en minimisant les risques de dérives politiques et juridiques qui pourraient fragiliser la nouvelle république naissante.

Laguinee.info

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