La CÉDÉAO, jadis perçue comme un rempart contre les abus de pouvoir et garante de la démocratie en Afrique de l’Ouest, a une fois de plus déçu. À l’issue de son sommet du 15 décembre 2024 à Abuja, le bloc régional a ostensiblement choisi la voie du silence complice face au glissement de la transition en Guinée. En « actant » la prolongation décidée par la junte militaire de Mamadi Doumbouya, la CÉDÉAO trahit non seulement les engagements pris en 2022, mais aussi les millions de citoyens ouest-africains qui espèrent encore en son rôle protecteur.
En Guinée, la transition devait prendre fin au 31 décembre 2024. Ce délai, gravé dans l’accord signé entre Conakry et la CÉDÉAO, représentait un pacte de bonne foi et un horizon pour le retour à l’ordre constitutionnel. Pourtant, à deux semaines de cette échéance, la CÉDÉAO semble s’accommoder de la dérive autoritaire orchestrée par le CNRD. Pas un mot sur les multiples reports électoraux. Pas un mot sur l’absence de garanties démocratiques. Pas un mot sur les abus de pouvoir. Cette indulgence inquiétante équivaut à un feu vert donné à la junte pour continuer à gouverner en toute impunité.
Une hypocrisie bien rodée
Ce n’est pas la première fois que la CÉDÉAO échoue à défendre la démocratie. Faya Millimouno, président du Bloc Libéral en Guinée, l’a bien résumé : cette organisation a « cautionné » le troisième mandat d’Alpha Condé en Guinée, tout comme celui d’Alassane Ouattara en Côte d’Ivoire. Aujourd’hui, elle reproduit le même schéma avec Mamadi Doumbouya. Là où l’on attendait une main ferme et une exigence de reddition de comptes, la CÉDÉAO offre des déclarations molles et un « langage diplomatique » creux.
Pire encore, cette posture alimente les critiques sur le rôle néfaste des influences étrangères dans les affaires ouest-africaines. Comment ne pas y voir une organisation téléguidée par des intérêts extérieurs, prête à sacrifier les aspirations démocratiques des peuples pour préserver la stabilité des régimes en place ?
La Guinée, victime de la duplicité régionale
Le silence de la CÉDÉAO n’est pas anodin. En refusant de sanctionner les dérives du CNRD, elle contribue activement à la consolidation d’un système autoritaire en Guinée. Mamadi Doumbouya, qui avait promis de « corriger » les erreurs de ses prédécesseurs, a plongé le pays dans une crise encore plus profonde. Les libertés publiques sont muselées, l’économie est en berne, et l’avenir démocratique paraît plus éloigné que jamais.
Pendant ce temps, la CÉDÉAO, censée incarner l’espoir et la justice, se contente d’observer. Elle devient ainsi complice de cette fuite en avant. Sa stratégie d’évitement et son refus de s’engager pleinement pour la Guinée en disent long sur son rôle réel : non pas celui d’un arbitre impartial, mais d’un acteur politique incapable de s’opposer aux dérives des régimes qu’elle est censée encadrer.
Jusqu’à quand ?
La Guinée n’est pas la première victime de cette complaisance, et elle ne sera pas la dernière. L’érosion de la crédibilité de la CÉDÉAO se fait sentir dans toute la région. Le Mali, le Burkina Faso et la Guinée, trois pays ayant tourné le dos à cette organisation, ont déjà exprimé leur désillusion. Combien de temps encore la CÉDÉAO pourra-t-elle ignorer que son incapacité à sanctionner les abus et à promouvoir la démocratie nourrit le rejet de ses institutions ?
Le peuple guinéen ne peut plus attendre de miracles d’une organisation si profondément déconnectée de ses responsabilités. La transition guinéenne ne réussira que si les citoyens eux-mêmes prennent leur destin en main. Mais pour cela, il faudra d’abord que la CÉDÉAO cesse d’être un obstacle déguisé en médiateur.
Si la CÉDÉAO veut sauver ce qui reste de sa crédibilité, elle doit changer de cap, et vite. Car à force de tolérer l’intolérable, elle scelle sa propre déchéance. La Guinée, elle, mérite mieux.
Laguinee.info