Après avoir régulièrement interpellé la CEDEAO sur le processus de transition en Guinée, l’Alliance Nationale pour l’Alternance Démocratique (ANAD), par la voix de Souleymane Souza Konaté, président de sa Commission Communication et conseiller d’Elhadj Cellou Dalein Diallo, affirme désormais n’attendre plus rien de l’organisation sous-régionale. Cette prise de conscience vient d’une alliance satellite (ANAD) du parti UFDG d’Elhadj Cellou Dalein Diallo, farouchement engagé pour une transition se terminant impérativement fin 2024.
Souleymane Souza Konaté s’exprimait en réaction au communiqué final de la CEDEAO lors de son 66e sommet ordinaire, tenu à Abuja le 15 décembre 2024. Dans ce document, l’organisation acte, sans le dire explicitement, une prolongation de la transition guinéenne au-delà de l’échéance initiale du 31 décembre 2024. Ce report implicite est souligné par l’appel à « accélérer les actions pour un retour inclusif et participatif à l’ordre constitutionnel » et par l’annonce d’une mission de haut niveau pour discuter des modalités de la transition et son financement pour aller aux élections. En somme, l’institution semble enterrer discrètement son propre protocole additionnel, renonçant aux principes qui fondaient jadis son ingérence dans les affaires politiques internes des États membres.
Pour leur part, les Forces Vives de Guinée, une coalition disparate regroupant l’UFDG, ses satellites de l’ANAD et du FNDC, ainsi que le RPG/Arc-en-Ciel et l’UFR, n’ont pas épargné la CEDEAO. Dans un communiqué acerbe, elles accusent l’organisation d’être « léthargique » et « laxiste », estimant qu’elle constitue une menace pour la stabilité régionale en tolérant des « transitions interminables ». À les entendre, la CEDEAO risquerait d’encourager l’idée que l’accès au pouvoir peut s’obtenir autrement que par les urnes, avec des conséquences graves pour la démocratie en Afrique de l’Ouest.
Avec ces critiques, les Forces Vives se montrent résolues : « Nous, Forces Vives, membres de l’ANAD et de l’UFDG, n’attendons rien de personne. La transition doit impérativement prendre fin le 31 décembre 2024. Si cette échéance n’est pas respectée, nous exigerons une transition civile pour garantir le retour à l’ordre constitutionnel. »
Ironiquement, la CEDEAO, autrefois critiquée pour sa fermeté excessive face aux régimes militaires au Mali, au Burkina Faso et au Niger, adopte une posture plus conciliante avec la Guinée. Pourquoi ce double standard ? Il semblerait que l’organisation, affaiblie par les départs de ces trois pays, cherche à éviter une nouvelle défection qui aggraverait son déclin. Une manœuvre dictée non seulement par la nécessité de sauver ce qui reste de l’organisation et les apparences, mais aussi par des pressions extérieures, notamment celles de la France, accusée d’être le véritable maître d’œuvre des décisions de la CEDEAO.
Pour ses détracteurs, l’organisation n’est plus qu’un fardeau : une bureaucratie coûteuse alimentée par les cotisations des États membres, utilisées pour financer les privilèges de ses fonctionnaires et les déplacements fastueux de son président de la Commission, Dr Omar Alieu Touray (photo à gauche). Ce dernier, malgré ses multiples et coûteux déplacements, peine à restaurer la légitimité de l’institution.
Face à cet effondrement moral et institutionnel, un constat s’impose : la souveraineté revient aux peuples. En Guinée, comme ailleurs dans la sous-région, civils, militaires et politiques semblent avoir compris qu’il est vain de se reposer sur des structures internationales aux agendas souvent flous et contradictoires. La leçon est claire : pour gouverner efficacement, il faut avant tout s’assurer du soutien de ses concitoyens.
Ainsi, les interminables supplications devant l’Union européenne ou les instances onusiennes apparaissent désormais inutiles et humiliantes. Les acteurs africains, au pouvoir comme au sein des partis politiques, semblent prêts à redéfinir leurs relations avec ces institutions pour défendre une souveraineté pleine et entière, loin des ingérences et des promesses creuses.
Une page de la vision de la CEDEAO se tourne, non seulement pour la Guinée, mais peut-être aussi pour toute l’Afrique de l’Ouest.
Abdoulaye Sankara