En ce mardi 3 décembre 2024, la Journée internationale des personnes handicapées invite, comme chaque année, à réfléchir sur les progrès réalisés et les défis qui restent à relever. Pourtant, en Guinée, cette journée résonne comme un rappel cruel des réalités persistantes. Si quelques avancées ont été enregistrées, elles ressemblent davantage à des gouttes dans un océan de promesses non tenues.
Le constat est alarmant : les droits des personnes handicapées continuent d’être foulés au pied, et les décideurs semblent aveugles face à leurs responsabilités. Prenons un instant pour regarder autour de nous : combien d’écoles, d’universités ou de bâtiments publics disposent d’aménagements adaptés ? Aucun. Les escaliers restent infranchissables pour les fauteuils roulants, et l’absence d’ascenseurs transforme les moindres démarches administratives en un véritable calvaire.
Travailler ou souffrir : l’accès à l’emploi, un parcours d’obstacles
Quand, malgré tout, certaines personnes handicapées décrochent un emploi(un exploit en soi), elles se retrouvent confrontées à des locaux inaccessibles. Ces lieux, censés incarner l’égalité des chances, deviennent des murs infranchissables, autant symboliques que physiques. Comment peut-on prétendre promouvoir l’inclusion si la simple entrée dans un bureau devient une épreuve quotidienne ?
La santé, un privilège réservé
Et que dire de l’accès aux soins ? Dans un pays où les structures sanitaires ont troqué leur vocation humanitaire contre celle du profit, les personnes handicapées paient le prix fort. Loin d’être des lieux de réconfort, les hôpitaux se transforment en marchés où l’humanité se vend au plus offrant. Pour beaucoup, se soigner reste un luxe, bien loin de la garantie d’un droit fondamental.
Le transport et l’éducation : des droits oubliés
Le martyre ne s’arrête pas là. Le transport public, lui aussi, ignore royalement les besoins des personnes handicapées. Monter dans un taxi ou un bus relève de l’exploit quand aucune mesure n’a été pensée pour rendre ces moyens de déplacement accessibles. Et dans le domaine de l’éducation, l’obscurité persiste. Combien de jeunes handicapés peuvent espérer un accès équitable aux écoles ou universités ? Trop peu.
Les beaux discours ou l’action ?
Les discours politiques abondent pourtant. On promet l’inclusion, on vante des lois qui dorment dans les tiroirs, on célèbre des journées comme celle-ci avec de belles phrases. Mais où sont les actions concrètes ? La Guinée, qui aspire à devenir une nation moderne, peut-elle vraiment ignorer une partie de sa population ?
Il est temps que les décideurs troquent leurs paroles contre des actes. Un pays qui abandonne ses plus vulnérables abandonne son avenir.
Ainsi,les pistes de solutions concrètes pour améliorer la situation des personnes handicapées en Guinée sont:
1. Accessibilité aux bâtiments publics et privés : un impératif non négociable
– Mettre en place des rampes d’accès, ascenseurs et infrastructures adaptées dans tous les bâtiments publics et inciter les entreprises privées à faire de même à travers des avantages fiscaux.
– Adopter et appliquer une loi rendant obligatoire l’accessibilité des infrastructures, avec des sanctions pour non-conformité.
2. Inclusion professionnelle : favoriser l’emploi des personnes handicapées
– Créer un quota obligatoire pour l’emploi des personnes handicapées dans les secteurs public et privé.
– Encourager les entreprises à recruter des personnes handicapées en offrant des subventions ou des exonérations fiscales.
– Former les employeurs et les collègues pour briser les préjugés et promouvoir un environnement inclusif.
3. Transport public : garantir la mobilité pour tous
– Intégrer des véhicules accessibles (équipés de rampes et d’espaces dédiés) dans les flottes de transport public.
– Mettre en place un tarif réduit ou gratuit pour les personnes handicapées, soutenu par l’État.
4. Accès à la santé : humaniser les soins
– Subventionner les soins pour les personnes handicapées, notamment en réduisant les coûts des consultations et des traitements.
– Former le personnel médical à la prise en charge spécifique des personnes handicapées pour éviter les discriminations dans les hôpitaux et centres de santé.
5. Éducation inclusive : construire l’avenir dès aujourd’hui
– Adapter les infrastructures scolaires et universitaires pour accueillir les élèves handicapés.
– Former les enseignants à l’éducation inclusive et fournir des ressources pédagogiques adaptées (braille, logiciels spécifiques, etc.).
– Créer des bourses spécifiques pour les étudiants handicapés afin de réduire les barrières financières.
6. Politiques et lois : de la théorie à l’action
– Mettre en place une agence nationale dédiée à la promotion des droits des personnes handicapées, avec des moyens suffisants et une autonomie.
– Adopter un plan stratégique décennal avec des objectifs mesurables pour l’inclusion et le bien-être des personnes handicapées.
– Créer un organe de suivi indépendant pour évaluer l’application des politiques et lois en faveur des personnes handicapées.
7. Sensibilisation et changement des mentalités : un combat collectif
– Lancer des campagnes nationales pour sensibiliser sur les droits et le potentiel des personnes handicapées.
– Promouvoir des exemples positifs de réussite parmi les personnes handicapées pour inspirer la société et combattre les stéréotypes.
L’inclusion des personnes handicapées n’est pas une faveur, mais un devoir. Ces solutions demandent certes des efforts et des investissements, mais c’est le prix d’une société juste et équitable. Les autorités doivent montrer qu’elles sont prêtes à passer des mots aux actes, car le temps des excuses est révolu.
En ce jour symbolique, rappelons que chaque barrière levée pour les personnes handicapées est une victoire pour l’ensemble de la société.
Aly KOMANO, porteur de handicap
Journaliste, Enseignant