L’administration publique en Guinée, ce n’est plus le service de l’État au service du citoyen, mais un véritable bazar où la paperasse se vend comme des produits sur étalage. Si vous pensiez que demander un simple document administratif était un processus long et compliqué, vous n’aviez pas tort… mais vous n’aviez pas non plus la clé du « bon système ». Aujourd’hui, en Guinée, obtenir un certificat de résidence, censé être un acte administratif formel, relève d’un tour de magie où tout se joue à la vitesse de l’argent.
Prenons l’exemple du certificat de résidence, un document pourtant essentiel pour les Guinéens dans de nombreuses démarches administratives. Ce document, délivré par les présidents des conseils de quartier, était autrefois un moyen de prouver votre appartenance à une localité. Mais aujourd’hui, dans certains quartiers de Conakry et d’autres villes, la réalité est toute autre. Vous arrivez au bureau du chef de quartier, et voilà que le certificat vous est déjà « prêt ». Pas besoin de justifier que vous habitez réellement à l’adresse indiquée. Pas besoin de faire la queue pendant des heures ni de prouver quoi que ce soit. Tout ce qu’il vous faut, c’est une petite enveloppe bien remplie d’un billet de 10 000GNF(en couleur) et 5 000 pour un certificat tout en noir, et vous repartez avec le document sous le bras, comme s’il s’agissait d’une simple marchandise. C’est ainsi que l’administration publique se transforme peu à peu en une vraie foire où les documents administratifs sont offerts comme des biens de consommation, au lieu d’être des preuves légales et authentiques.
Ce n’est pas qu’une simple dérive ; c’est une institution qui est devenue complice d’un système parallèle de corruption systématique. Les agents de l’État, censés garantir l’intégrité des documents officiels, se transforment en des commerçants de l’administratif. Ce qui était un droit devient une transaction : vous payez, vous obtenez. On oublie l’essence même du service public, à savoir la rigueur, l’équité et la transparence. Tout se fait dans l’ombre, derrière des grilles de bureaux, où l’argent supplante les exigences de la loi.
La dérive ne se limite pas à quelques quartiers ou à des individus isolés. C’est une réalité qui touche toute l’administration guinéenne. Quand un citoyen lambda peut obtenir des documents officiels en échange d’argent, c’est tout le système qui se fragmente. Les faussaires, eux, n’ont même plus besoin de se cacher. Ils savent que la corruption n’est plus un délit caché, mais un acte normalisé. Le document officiel ne vaut plus rien si on ne l’accompagne pas de son « juste prix ». L’État, censé protéger la véracité des informations administratives, devient l’allié des pratiques douteuses.
Face à cette situation, où la corruption devient la norme, quelle crédibilité peuvent avoir les actes administratifs en Guinée ? Les citoyens, les investisseurs étrangers, les partenaires internationaux – comment peuvent-ils faire confiance à un système où un simple certificat de résidence peut se retrouver dans les mains de n’importe qui, simplement parce qu’il a su trouver le « bon » interlocuteur ? La réponse est simple : il n’y a plus de confiance. Ni dans les documents, ni dans l’administration qui les délivre.
Il est grand temps de se poser la question : l’administration publique guinéenne veut-elle véritablement réformer son système, ou préfère-t-elle continuer à nourrir ce marché parallèle qui n’en finit plus de prospérer ? Tant que la corruption régnera, tant que les documents officiels seront devenus une marchandise à vendre, l’État guinéen restera prisonnier de ce cercle vicieux. Le citoyen continuera à chercher la facilité et à fuir la rigueur administrative, tandis que l’administration, elle, continuera à tourner le dos à ses responsabilités. Et ce, au détriment de la confiance, de la transparence et du développement du pays.
Laguinee.info