Cela fait 4 mois jour pour jour depuis que Foniké Manguè et Bilo Bah ont été nuitamment kidnappés par des militaires.
À analyser le communiqué du procureur général près la cour d’appel de Conakry publié quelques jours après leur disparition forcée, on a l’impression que le parquet général veut rejeter la responsabilité des services de l’État dans cette affaire. Mais quel qu’en soit le cas de figure face auquel on se retrouverait, l’État ne saurait nullement se dédouaner.
PREMIÈRE HYPOTHÈSE: si ces activistes ont été enlevés sur ordre des autorités et que celles-ci refusent de s’assumer(c’est ma ferme conviction), c’est extrêmement grave. Car dans une République, l’État ne doit pas agir de façon clandestine. Il doit poser ses actes à visage découvert. Ça contribue à maintenir ou à restaurer un climat de confiance entre gouvernants et gouvernés. Cela permet également aux citoyens d’attaquer les actes de l’État devant les juridictions s’ils estiment que ces actes sont illégaux et/ou qu’ils en sont abusivement victimes. Si les magistrats saisis aussi ont le courage et l’honnêteté de dire le droit pour rétablir les citoyens lésés, c’est encore mieux pour la quiétude de la cité et l’ordre public notamment.
En effet, on n’a généralement pas besoin de descendre dans la rue si l’on est sûrs qu’une fois devant les tribunaux, l’injustice dont on est victimes sera corrigée.
DEUXIÈME HYPOTHÈSE: Si Foniké et Bilo sont kidnappés et gardés en otages par des individus qui n’agiraient pas au nom de l’état, c’est encore plus grave. Car cela sème une psychose dans la tête de nombreux guinéens qui peuvent aller jusqu’à penser que notre État n’est plus en mesure d’assurer la sécurité de ses citoyens que nous sommes. S’il en est capable, alors c’est un refus de sa part; ce qui constitue un autre crime d’État puisque l’État a l’obligation de nous protéger et protéger nos biens.
-Que dirait-on du fonctionnement de notre appareil judiciaire qui, en 4 mois n’a pas pu nous donner un seul indice quant à l’identité des ravisseurs de ces 2 personnes non pas de citoyens anonymes, mais des acteurs bien connus du grand public?
-Quel message une telle attitude renvoit à l’ensemble des guinéens?
-Peuvent-ils être rassurés quant à leur protection et la protection de leurs biens?
-Est-ce rassurant pour des investisseurs étrangers aussi qui souhaiteraient venir chez nous?
-Savez-vous qu’avant d’aller investir dans un pays les investisseurs sérieux examinent d’abord le climat des affaires?
-Savez-vous que parmi les facteurs déterminants dans l’analyse du climat des affaires figurent en bonne place le contexte sécuritaire et l’environnement juridique?
-Savez-vous que l’environnement juridique implique à la fois le niveau de la législation du pays(est-il doté de bons ou mauvais textes de lois?) et le fonctionnement de l’appareil judiciaire dans la pratique(les magistrats sont-ils soumis à l’autorité de la loi et à la nécessité de maintenir la pas, ou sont-ils à la solde des pouvoirs politiques, économiques etc?).
Dans l’un ou l’autre, l’Etat ne saurait en aucune manière se dédouaner dans cette situation qui maintient les familles et proches des victimes dans la douleur, et continue de ternir l’image de notre pays.
Sékou Jamal PENDESSA (journaliste, syndicaliste et défenseurs des droits de l’homme)