Alors que les activistes Foniké Mengué et Billo Bah ont été enlevés il y a quelque temps, les déclarations du Procureur général promettant une enquête laissent sceptiques. Me Mohamed Traoré, ancien Bâtonnier, accuse la justice d’un manque de transparence et alerte sur les conséquences de ce silence.
Une communication de façade ?
Quelques jours après le double enlèvement de Foniké Mengué et de Billo Bah, le Procureur général près de la Cour d’appel de Conakry avait déclaré que « des enquêtes étaient ouvertes afin de permettre d’éclaircir cette affaire. » Pour Me Mohamed Traoré, cette affirmation n’est qu’un acte de communication destiné à calmer les esprits. « Les observateurs les plus avisés avaient considéré cette déclaration comme une simple opération de communication destinée à créer et entretenir un certain espoir au sein de la population en faisant croire que la justice est en train de faire son travail », dénonce-t-il sur son compte Facebook.
Me Traoré souligne que cette communication a pourtant produit l’effet escompté. Désormais, chaque fois que la question des enlèvements est évoquée, « la réponse officielle est de dire que la justice est saisie et qu’il faut s’en remettre à elle. Et même les diplomates, régulièrement interpellés sur la question, ont repris ce langage pour ne pas se « mouiller » trop », regrette-t-il, suggérant un discours de façade plus qu’une réelle action judiciaire.
Une justice silencieuse qui entretient la psychose
Ce silence des autorités judiciaires inquiète la population et aggrave le sentiment d’insécurité. « On a toutes les raisons de douter aujourd’hui encore que la justice soit effectivement saisie des différents cas d’enlèvements constatés ou s’en préoccupe sérieusement », observe l’avocat. L’absence de résultats concrets renforce ce scepticisme : « En tout cas, aucun résultat n’est visible et la réalité dément les discours », ajoute-t-il avec amertume.
Selon Me Traoré, si des enquêtes étaient vraiment en cours, les procureurs devraient fournir des informations régulières, comme la loi les y autorise. « Qu’est-ce qui empêcherait les procureurs d’instance, en leur qualité de directeurs des enquêtes de police, de fournir des informations sur l’évolution des enquêtes ouvertes, d’autant plus que la loi leur en donne le pouvoir ? » demande-t-il, insistant sur l’importance de la communication judiciaire pour éviter la psychose et empêcher la propagation de fausses nouvelles.
Les citoyens enlevés, une situation qui dérange mais n’alerte pas ?
Au-delà de la question de transparence, Me Traoré exprime sa stupeur face à l’inaction des services publics chargés de la sécurité. « Que des citoyens soient enlevés, parfois en plein jour, et que cela ne semble pas mobiliser les services publics en charge de la sécurité des personnes et de leurs biens, c’est incontestablement une source d’inquiétude mais aussi d’interrogation pour chaque citoyen », déclare-t-il. Ce silence des autorités, qui peinent à informer ou à rassurer, nourrit un sentiment d’abandon parmi la population, accentuant la frustration et la méfiance envers les institutions censées les protéger.
Pour Me Traoré, si les procureurs restaient silencieux, cela signifierait que les enquêtes n’existent même pas ou n’avancent pas. « Mais, pour un procureur, parler de l’évolution d’une enquête suppose que celle-ci a été ouverte. Quel est ce procureur qui se présenterait devant le public pour parler d’une enquête qui n’existe pas ou piétine ? Cette situation qui inquiète plus encore les citoyens que les enlèvements eux-mêmes », conclut-il, en dressant le portrait d’une justice guinéenne défaillante face aux attentes légitimes de sécurité et de justice.
En attendant des avancées tangibles, le doute persiste, et les Guinéens restent dans l’angoisse, surveillant chaque discours officiel avec prudence.
Boundèbengouno, pour Laguinee.info