Alors que la Guinée se dirige vers une élection présidentielle en 2025, un débat central agite la scène politique : la possible candidature du Général Mamadi Doumbouya. Celui qui a pris les rênes du pays à la suite du coup d’État de 2021 pourrait se présenter à cette élection, une éventualité qui divise les opinions. Sidya Touré, ancien Premier ministre et leader de l’Union des Forces Républicaines (UFR), a récemment partagé ses réflexions sur cette question lors d’une interview accordée à DW, apportant un éclairage nuancé sur cette possible candidature et les défis à venir pour la Guinée.
La candidature de Mamadi Doumbouya : un fait à envisager ?
Sidya Touré ne ferme pas la porte à une candidature du Général Mamadi Doumbouya, mais appelle à la prudence. Pour lui, cette option pourrait être envisagée si certaines conditions sont réunies. « Si la candidature de Doumbouya est une nécessité mais que les autres candidatures le sont et que nous avons la liberté et la garantie pour être en Guinée de faire campagne, moi, je ne verrais pas d’inconvénients, » a déclaré l’ancien Premier ministre. Il précise ainsi que l’essentiel n’est pas tant la participation de Doumbouya, mais que celle-ci s’inscrive dans un processus démocratique ouvert et inclusif.
Pour Sidya Touré, le droit de tous les acteurs politiques à participer à la campagne sans entrave est fondamental. Il met donc en garde contre une élection où les autres candidats seraient empêchés d’exprimer librement leurs opinions ou de mener campagne dans des conditions équitables. Ce point, selon lui, est crucial pour garantir la transparence et la légitimité du scrutin à venir.
Des préparatifs électoraux incertains
Malgré cette ouverture, Sidya Touré exprime des doutes quant à la faisabilité d’un processus électoral libre et transparent, notamment en raison du manque de préparation observé à ce jour. « À ce que je sache, il n’y a pas de liste électorale établie, » a-t-il souligné, faisant référence à l’absence de certaines procédures nécessaires pour organiser une élection crédible. « J’avais cru comprendre qu’il y avait des procédures pour faire le recensement et toutes ces choses-là. S’il pense pouvoir faire ça en deux ou trois mois, je lui présente mes félicitations. »
En soulevant cette question, Sidya Touré met en lumière les nombreux défis logistiques auxquels la transition guinéenne fait face. Le recensement des électeurs, l’établissement des listes électorales et la garantie d’une élection transparente sont autant de sujets de préoccupation qui, selon lui, doivent être réglés avant d’envisager sérieusement la tenue d’élections.
L’urgence d’un dialogue national
En plus de ses préoccupations électorales, Sidya Touré plaide pour un dialogue inclusif entre les différents acteurs politiques guinéens. « La meilleure manière de sortir de toute l’affaire, c’était de faire un dialogue et qu’on puisse discuter entre Guinéens des possibilités d’aller de l’avant, quelles que soient les décisions que les gens ont en tête par ailleurs, » a-t-il déclaré. Cette proposition reflète sa conviction que la Guinée ne pourra avancer vers une élection véritablement démocratique qu’à travers une concertation nationale.
Le leader de l’UFR insiste donc sur la nécessité d’un cadre de discussions permettant à toutes les forces vives du pays, y compris l’opposition, de s’exprimer librement. Selon lui, cette approche permettrait non seulement d’apaiser les tensions actuelles, mais aussi de préparer le terrain pour une transition réussie.
Un climat politique tendu
Si Sidya Touré reconnaît que Mamadi Doumbouya pourrait se présenter en tant que candidat, il met également en garde contre le climat politique actuel en Guinée, qui, selon lui, ne favorise pas une élection ouverte. « On ne se sent pas en sécurité pour y aller, » confie-t-il, évoquant la répression dont sont victimes certains leaders de l’opposition. Bien qu’il n’ait pas de démêlés avec la Cour de répression des infractions économiques et financières (CRIEF), Sidya Touré déplore le climat de peur qui règne en Guinée, empêchant les acteurs politiques de mener leurs activités en toute sérénité.
« Actuellement, toute la presse en Guinée est pratiquement fermée, » poursuit-il, en dénonçant également les cas non résolus de disparitions de figures emblématiques telles que Foniké Menguè et Mamadou Billo Bah. Ces faits, selon lui, renforcent la perception d’un processus de transition qui ne garantit pas les droits et libertés fondamentaux, notamment la liberté d’expression et la participation politique.
La candidature potentielle de Mamadi Doumbouya à l’élection présidentielle de 2025 est loin de faire l’unanimité. Si Sidya Touré ne s’y oppose pas fondamentalement, il insiste sur l’importance de garantir un processus démocratique où chaque candidat, y compris ceux de l’opposition, pourrait se présenter et faire campagne librement. Il appelle ainsi à la mise en place de conditions équitables pour tous les acteurs politiques et à la résolution des problèmes logistiques avant l’échéance électorale.
Pour que la Guinée puisse tourner la page de la transition avec succès, Sidya Touré estime que seule une élection transparente et inclusive, marquée par un dialogue entre toutes les forces politiques du pays, permettra d’éviter une nouvelle crise. L’avenir de la Guinée, selon lui, dépendra largement de la manière dont ces questions cruciales seront gérées dans les mois à venir.
Boundèbengouno, pour Laguinee.info