Dans le district de Bembou Silaty, relevant de la sous-préfecture de Daramagnaki, préfecture de Télémélé, les autorités locales sont accusées d’organiser une vaste arnaque sur des terrains communautaires. Sous couvert de prélèvements de 40 % sur les fonds destinés au développement local, elles seraient en train de remplir leurs poches. Mamadou Aliou Bah, un habitant, dénonce cette situation, affirmant avoir subi des menaces de mort suite à ses révélations. Retour sur un scandale qui ébranle toute une communauté.
Depuis 2023, la société ASHAPURA MINING mène ses activités dans le district de Bembou Silaty, un village de la sous-préfecture de Daramagnaki, en plein cœur de la préfecture de Télémélé. Ces opérations d’extraction minière ont conduit au recensement de plusieurs hectares de terrains communautaires, appelés localement « bowals ». Ces domaines appartiennent à la communauté, et les revenus issus de leur exploitation sont censés financer des infrastructures comme des écoles, des centres de santé et culturels, essentiels pour le développement du district.
Mamadou Aliou Bah, un jeune de la localité, décrit la situation avec amertume : « Suite au recensement fait dans la localité, il y a des endroits où le recensement n’appartient qu’à la communauté. C’est ce que nous appelons les bowals. Ce sont des terrains dédiés à la communauté pour le développement local. L’argent que la société va donner après le recensement de ces zones doit servir à construire des écoles, un centre culturel et d’autres infrastructures pour la localité. »
Mais derrière cette façade de développement communautaire se cache, selon M.Bah, une vaste escroquerie orchestrée par les autorités locales. À chaque recensement, ces dernières prélèveraient systématiquement 40 % des sommes destinées aux projets communautaires. Ce prélèvement, effectué à trois reprises selon notre interlocuteur, n’a aucun fondement légal, et les montants perçus ne semblent jamais être réinvestis dans la localité.
« Cela fait trois ou quatre recensements. À chaque fois qu’il y a recensement, la préfecture de Télémélé, la commune de Daramagnaki et le chef de district organisent une forme d’arnaque. À chaque versement des fonds, ils imposent un prélèvement de 40 %. Si la communauté reçoit 10 millions, les autorités prennent 4 millions. Pourtant, ces terrains ont été offerts par la population avec l’espoir que l’argent récolté servirait à construire des écoles ou des centres de santé, et non à remplir les poches des autorités », fulmine Mamadou Aliou Bah.
Où va l’argent prélevé ?
D’après Bah, ces 40 % prélevés sont partagés entre plusieurs responsables locaux. « Le préfet de Télémélé prend 20 %, 10 % vont à la délégation spéciale de la commune rurale de Daramagnaki et les 10 % restants sont destinés au district de Bembou Silaty. »
Des sommes qui, selon lui, n’ont jamais servi au développement de la localité. Pire encore, après avoir enquêté sur le code minier guinéen, les jeunes intellectuels de Bembou Silaty ont découvert que ce prélèvement n’a aucune base légale. « Nous avons fouillé le code minier en vigueur et nulle part il n’est mentionné un tel prélèvement. Ce qu’ils font est illégal. »
Face à cette situation, la communauté a décidé de réagir. Les jeunes ont pris une position ferme : plus aucun prélèvement ne sera effectué sur les fonds communautaires. Lors du dernier recensement, la somme collectée s’élevait à 345 millions 878 mille francs guinéens. Après concertation, la décision a été unanime : pas un franc ne sera prélevé pour les autorités.
« Nous avons refusé catégoriquement de donner un seul centime. Cet argent appartient à la communauté et doit être utilisé pour construire des infrastructures dont nous avons cruellement besoin. Pourtant, en réponse, les complices des autorités ont fait savoir que tant que les 40 % ne sont pas prélevés, l’argent restera bloqué. »
Menaces de mort !
Dénoncer cette situation a cependant eu des conséquences dramatiques pour Mamadou Aliou Bah. Depuis ses révélations, il affirme vivre sous la menace constante. « Le coordinateur préfectoral des mines, qui agit sous les ordres du préfet, a instruit la société SMB-WINING de tout faire pour me licencier de mon emploi. J’ai également reçu des messages anonymes me menaçant directement. ‘Je te déclare la guerre, on va se voir’, m’a-t-on écrit.
Joint au téléphone, le préfet de Télémélé a d’abord tenté de donner des leçons de morale avant de justifier le prélèvement de 40 % en affirmant qu’il serait investi dans le développement de la commune. Il a aussi clairement indiqué qu’il ne fournira d’explications que lorsque nous serons devant lui: « Une commune ne peut pas se développer sans l’argent. Avez-vous déjà vu une commune se développer sans argent ? Les 40 % seront investis dans le développement de la commune. Ne vous laissez pas tromper par des gens. Si vous voulez des informations, il faut venir ici à Télémélé. Je ne peux pas donner des informations à une personne que je ne connais pas, d’accord ? » a-t-il déclaré avec insistance lors de cet appel, effectué aux alentours de 11 heures.
Aujourd’hui, Mamadou Aliou Bah est non seulement visé par des intimidations, mais sa sécurité est sérieusement en danger. Dans cette région minière, la corruption semble étouffer toute tentative de contestation.
Cette affaire met en lumière une situation inquiétante dans les zones minières guinéennes, où la population, loin de bénéficier des ressources de son sol, se voit spoliée par les autorités locales. À l’image de Daramagnaki, d’autres villages du pays subissent des abus similaires. Si l’État n’intervient pas rapidement, le pire pourrait arriver. Mamadou Aliou Bah, menacé pour avoir osé parler, est le symbole d’une jeunesse en quête de justice face à une élite corrompue.
Affaire à suivre…
Ibrahima Alhassane Camara, pour Laguinee.info