La Guinée, terre de promesses souvent trahies, semble condamnée à répéter inlassablement le même refrain politique. Hier sous Alpha Condé, aujourd’hui sous Mamadi Doumbouya, le scénario ne change guère. Le recyclage des anciens hauts cadres, naguère écartés pour cause de mésentente ou d’incompétence, revient comme une marée que rien ne semble pouvoir contenir. Des visages déjà connus refont surface, tels des spectres du passé : l’ancien ministre du Budget se voit propulsé à la Société Nationale des Pétroles, Guillaume Hawing, ex-ministre de l’Éducation nationale, retrouve la lumière à la tête du CNSPP,(cette liste n’est pas exhaustive) tandis que d’autres têtes, autrefois reléguées, sont à nouveau mises en selle. N’est-ce pas là une triste répétition de ce qu’avait jadis orchestré le président déchu Alpha Condé ?
Ces retours en scène ne sont pas sans susciter interrogations et perplexité. L’homme du 5 septembre 2021, qui s’était voulu le chantre d’un renouveau radical, semble, à la manière d’un funambule hésitant, emprunter les sentiers balisés par ses prédécesseurs. Et tandis que les rumeurs enflent sur ses ambitions présidentielles, ces nominations laissent planer un doute : est-il vraiment l’homme de la rupture qu’il prétendait être, ou bien joue-t-il la carte du conservatisme politique, recyclant les figures d’un passé qu’il avait juré de balayer ?
À bien des égards, cette stratégie rappelle celle d’Alpha Condé, qui, en son temps, avait lui aussi réhabilité des cadres qu’il avait pourtant écartés. Le cycle se perpétue, tel un engrenage rouillé dont personne ne parvient à s’extirper. La parrain O+, comme on l’appelle dans la cité, porté par des promesses d’un renouveau salvateur, semble s’enliser dans les sables mouvants des pratiques politiques d’antan. En lieu et place des visages neufs tant attendus, ce sont les vieux routiers de la scène politique qui reprennent du service. Le rideau tombe, et derrière lui, toujours les mêmes acteurs.
Cette réapparition des anciens, loin de refléter une volonté de continuité ou de stabilité, illustre surtout l’incapacité chronique du pays à se renouveler. Où sont donc ces jeunes talents, ces nouvelles figures capables de porter la Guinée vers des horizons plus lumineux ? À défaut de réponses, le recyclage devient une fatalité, et le changement promis, un mirage.
À l’aube d’une possible candidature de l’ancien légionnaire français à la présidentielle, ces signaux en disent long. Le Général, qui avait pourtant juré de rompre avec les travers du passé, semble aujourd’hui s’inscrire dans le sillage des pratiques qu’il dénonçait. La roue tourne, certes, mais c’est toujours le même cercle vicieux qui se dessine, où le pouvoir se conforte dans ses propres travers, incapable de se réinventer.
L’éternel retour des mêmes, c’est aussi la réaffirmation d’un pouvoir qui, face à l’incertitude, préfère se replier sur le connu. Mais ce choix n’est pas sans risque. En recyclant à outrance les hommes d’hier, le Général court le danger de devenir le miroir de ceux qu’il avait promis d’effacer. Le renouvellement espéré devient alors une chimère, et la rupture, une simple figure de style dans un discours sans écho.
En fin de compte, Mamadi Doumbouya, en empruntant la voie du recyclage, s’inscrit, qu’il le veuille ou non, dans la continuité d’un système politique usé. Pourra-t-il encore incarner l’espoir d’un renouveau ? Ou deviendra-t-il, comme tant d’autres avant lui, le symbole d’une promesse trahie ? L’avenir nous le dira, mais les signes avant-coureurs sont pour le moins inquiétants.
La Rédaction de Laguinee.info