En Guinée, ce sont les intellectuels, les célébrités ou les sommités qui donnent le coup d’envoi de la médiocrité, de la mendicité et de l’hypocrisie. C’est comme s’ils ont été fabriqués à l’usine de l’immoralité. N’est pas mendiant que ce vieil homme ou cette vieille femme aveugle ou non, arrêté(e) dans un carrefour ou sur les artères en train de quémander le prix du dîner pour ses enfants. N’est pas affamé que celui qui a fait des jours sans manger. Non. Les mendiants de la République, se sont aussi des hommes cravatés , bien costumés qui marchent de bureau en bureau à la quête d’une pièce sonnante et trébuchante peu importe la manière, même si c’est au détriment des valeurs et des intérêts de la République.
Les mendiants de la République, ce sont ces crieurs publics qui chantent les louanges du chef pour obtenir ses grâces. Les mendiants de la République, ce sont ceux qui font croire aux chefs qu’ils sont irremplaçables et sont les plus bénis du pays. Les mendiants et les affamés de la République, ce sont ces artistes qui au lieu de dénoncer la douleur du peuple affamé, meurtri, bâillonné, étouffé jusqu’à la moelle épinière, se rangent du côté de l’oppresseur et se montrent hostiles à toute personne qui milite pour le respect des principes démocratiques.
Les affamés et les mendiants de la République, ce sont aussi ces politiques sans vergogne qui pactisent avec le pouvoir même si ce dernier dérive et s’égare. Ceux-là, ce qui les intéressent, ce sont les banquets, les faveurs, les primes, les champagnes, les cocktails , les voyages, parce qu’ils savent qu’ils n’ont aucun poids électoral, donc n’ont pas intérêt à ce que les élections soient organisées. Que leurs amis soient arrêtés, kidnappés, emprisonnés, bâillonnés, ce n’est pas leur problème. Ils sont insensibles à tous les maux dont souffre le peuple.
Les mendiants et les affamés de la République, ce sont aussi ces journalistes qui dénoncent le matin le pouvoir et le courtisent le soir. Ils se font passer pour des investigateurs, des chroniqueurs avisés, des animateurs chevronnés, des reporters et présentateurs professionnels, mais derrière, ils piétinent leur responsabilité sociale, foulent au sol l’éthique et la déontologie du métier. Ils peuvent aussi se convertir en politique ou manœuvrer pour des politiques avides, cupides, incendiaires qui sont prêts à tout pour arriver au palais présidentiel. Le piétinement de la liberté d’expression, le bâillonnement de la presse et la fermeture des médias ne les préoccupent guère.
Les mendiants et affamés de la République, ce sont aussi ces gratte-papiers qui désorientent leurs plumes. Au lieu de peindre la difficile situation des femmes qui se battent corps et âme pour nourrir leurs enfants ou des hommes honnêtes qui gagnent dignement leurs vies et font avancer le pays, ils se transforment en griots sans titres du pouvoir. Leurs plumes montrent le paradis à la place de l’enfer, le bonheur au lieu du malheur. Ce sont des champions en illusion.
Par Babanou Timbo CAMARA, journaliste