Guide de l’état civil Fiable. L’état civil
L’état civil est la situation qui prend en compte tous les aspects de la vie d’une personne, de la naissance à la mort. Il se passe tant de choses résultant de cet état civil relativement à nos gouvernances actuelles, dont cet article se donne l’objectif d’y remédier.
I. Le constat
Depuis quelques années, l’état civil est devenu une priorité mondiale pour des raisons politiques. Ainsi, la Guinée à l’instar de certains pays et organismes mondiaux en a fait dès 2022 son bâton de pèlerin.
Les récents constats ont été enregistrés au Niger, en Côte d’Ivoire et en Guinée, à l’occasion des élections dont les fichiers électoraux étaient relativement contestés quant à l’âge de certains électeurs.
Ce problème existe en Afrique francophone depuis longtemps en général et en Guinée en particulier. C’est ainsi que les autorités actuelles ont confié au Ministre de l’Administration du territoire et de la Décentralisation de procéder au recensement général de la population guinéenne. Je voudrais humblement proposer au-delà, c’est-à-dire demander au même Ministre de coordonner la mise en place d’un guide de l’état civil fiable pour résoudre les problèmes liés à la capacité politique. Ce guide servira d’une boite à outils pratico-pratique.
Il aura pour objectif de définir un meilleur cadre juridique adapté, d’instaurer un système de sécurisation des données et de former régulièrement les parties prenantes.
Il va, en outre, prévoir des stratégies de sensibilisation des populations, de formation des acteurs clefs notamment, les magistrats, avocats, instituteurs, activistes des sociétés civiles.
Quelles sont les stratégies pour atteindre les objectifs ci-dessus et comment finir avec les enfants fantômes en Guinée ?
Pour rappel, le 20 novembre 1989 à New York, la convention internationale des droits de l’enfant (CIDE) a été adoptée, ratifiée par tous les États du monde excepté de la Somalie et des États-Unis.
Cette convention ayant pour vocation de protéger les enfants du monde, leur accorder le droit d’avoir un nom, une nationalité, une identité, d’aller à l’école prévoit à son article 40 que chaque État partie à ladite convention fixe l’âge de la majorité des enfants.
Ainsi, la Guinée à l’instar de plusieurs pays a fixé la majorité pénale, civile et politique à 18 ans. (Voir l’article 1er du code de l’enfant en vigueur).
II. Les difficultés relevées
(pour des raisons stratégiques liées à la rédaction de cet article) à défaut de disposer de statistiques fiables pendant cette rédaction en Guinée, j’ai pris appui sur les données fournies par l’OIF en 2021 sur la situation de l’Afrique francophone, dont la Guinée, en membre.
Sur le plan judiciaire, il a été constaté en 2021 que 64% des mineurs âgés de 15 à 16 ans ont eu toute la difficulté de prouver leur minorité à la justice faute d’acte d’extrait de naissance. Il s’agit des enfants mis aux arrêts pour avoir commis des infractions de droits communs, politiques et spécifiques.
En outre, plus de 25 millions de jeune et moins jeunes dans l’espace francophone sont sans identité aujourd’hui. Il existe 125 à 130 milles enfants fantômes dans l’espace francophone. Cela s’explique par des problèmes d’ordre coutumier, financier, de formation, etc.
Un autre constat majeur est au tour des fichiers électoraux en Afrique francophone. En général, à la veille des élections, les instances électorales publient des listes avec des informations identitaires différentes de celles des services des états civils relative à l’âge. Nombreuses personnes ont deux identités publiées par deux services compétents de l’État. Cela constitue, dans nos États, une source de contestation des fichiers électoraux. Cela fut le cas lors des dernières élections en Côte d’Ivoire, au Sénégal, au Niger et en Guinée.
En dépit des investissements financiers consentis dans l’assainissement des fichiers électoraux en Guinée, le problème demeure tant que l’état civil n’est pas fiabilisé. Avec la présence et concours de toutes les parties prenantes, l’espoir est permis et c’est bien possible d’y remédier.
III. Les Pistes de solutions
Les différentes propositions de solutions :
Au niveau du Gouvernement
Il nous faut la création d’une institution fiable de l’état civil en Guinée ou tout de moins renforcer les capacités des Communes urbaine et rurale qui ont ce monopole.
L’État à travers le Président de la République doit engager une réforme totale dans ce secteur. À l’image du droit de l’OHADA où il y a des fichiers locaux, nationaux et régionaux des Registres du commerce et du crédit mobilier (RCCM), on peut bien avoir les services des états civils locaux, régionaux et nationaux.
L’État a déjà mis en place un système d‘informatisation et de sécurisation des dates de déclarations de naissance à travers les documents (carte nationale d’identité et l’acte d’extrait de naissance) biométriques. Là encore, il faut revoir le décret de 1995 relatif à la Carte nationale d’identité qui fixe l’âge d’acquisition de ladite carte à 15 ans afin de l’harmoniser avec les passeports ordinaires.
En fin, assurer la formation des cadres et agents intervenants dans l’établissement des actes de l’état civil.
Au niveau de la Justice
Que chaque Tribunal organise des prestations de serment des officiers de l’état civil, à l’occasion desquelles les Procureurs peuvent rappeler les obligations qui sont les leurs. Les substituts des procureurs peuvent être chargés du suivi de l’état civil.
Le législateur envisage à l’article 41 du code de l’enfant que : « La filiation des enfants légitimes se prouve par les actes de naissance inscrits sur les registres de l’état civil ou les jugements supplétifs en tenant lieu. »
Pour ce qui les Juridictions, je propose d’organiser des audiences foraines dans les localités reculées pour délivrer les jugements supplétifs à tous les enfants fantômes.
Il est à préciser dans le cadre de ces jugements supplétifs que, seul, les enfants âgés de plus de 13 ans qui peuvent se prêter à une empreinte digitale.
Au niveau communautaire
Il faut imposer à toutes les autorités religieuses qui baptisent les nouveau-nés de s’assurer de la déclaration de naissance de l’enfant en question.
Aux parents de respecter les délais de déclarations de naissance exigés par les dispositions de l’article 200 du Code civil du 26 juillet 2019 qui prévoient : « Les déclarations de naissance sont faites dans les 2 mois de l’accouchement à l’officier de l’état civil du lieu de naissance.
Toutefois, pour les naissances survenues hors du périmètre communal ou en pays étranger, ce délai est porté à 3 mois. »
Contrairement aux dispositions de l’article 157 du code de l’enfant du 19 août 2008 qui prévoient : « Les déclarations de naissance seront faites dans les six mois de l’accouchement à l’officier de l’état civil du lieu. Toutefois, pour les naissances survenues hors du périmètre communal ou en pays étranger, ce délai est porté à huit mois. »
Les dispositions de cet article semblent être dépassées.
Les sages-femmes
De procéder subséquemment à la naissance, l’établissement d’un carnet de renseignement sur les lieux, dates, heures, minutes, filiations de l’enfant sous peine de sanctions pour faute professionnelle.
Il est tout de même possible de créer des cellules d’état civil dans les services de maternité.
Les organisations des sociétés civiles
L’organisation des sociétés civiles (ONG, médias, barreau de Guinée) peuvent d’une part, organiser aussi des conférences dans des Universités, des Écoles et d’autre part, donner des conseils aux familles dont ils assistent régulièrement.
Les officiers de polices judiciaires (OPJ)
Il s’agit des policiers et gendarmes qui assurent la sécurité des citoyens. On peut inscrire le cours de la responsabilité civique dans les différents programmes de formation enseignés dans les écoles nationales de police et de gendarmerie. A préciser que ce cours aura un contenu particulier, mais très riche. Quitte à eux de procéder lors de la protection des citoyens, à leur tour, à des sensibilisations et cela leur permettra facilement d’opérer le contrôle d’identité conformément aux dispositions de l’article 135 du code de procédure pénale : « Toute personne se trouvant sur le territoire national doit accepter de se prêter à un contrôle d’identité effectué dans les conditions et par les autorités de police judiciaire. »
Les Notaires
Pour mettre fin à la doctrine « enfants fantômes » et authentifier leurs actes de naissance, et actes de mariage d’un mineur valent acte d’émancipation légale, les officiers ministériels que sont les notaires doivent prendre leur plume pour mettre au service des états civils.
Les frais d’authentification peuvent être subventionnés par l’État.
En définitive, il faut retenir qu’un enfant fantôme de moins de 18 ans a besoin d’un acte de naissance. En revanche, un jeune fantôme de plus de 18 ans a besoin d’une reconstitution des états civils.
Djibril Magassouba ; enseignant à la Faculté de Droit et d’Économie à l’UGLC-SC. Arbitre à la CAG.