L’Observatoire a été informé de l’arrestation arbitraire et de la disparition forcée de M. Mamadou Billo Bah, coordinateur de Tournons La Page (TLP) Guinée et responsable de la mobilisation et des antennes du Front National pour la Défense de la Constitution (FNDC), et de M. Oumar Sylla, alias Foniké Menguè, coordinateur national du FNDC. Lancé en 2014, TLP est un mouvement réunissant des acteurs des sociétés civiles africaines de 15 pays dont l’objectif est la promotion de l’alternance démocratique en Afrique. Le FNDC est un mouvement citoyen pro-démocratie né en 2019, et qui milite, depuis la prise de pouvoir des autorités militaires en septembre 2021, pour un retour à l’ordre constitutionnel et une transition rapide vers un pouvoir civil, en concertation avec la société civile. En août 2022, les autorités militaires au pouvoir a annoncé la dissolution du FNDC.
Dans la nuit du 9 au 10 juillet 2024, Mamadou Billo Bah et Oumar Sylla ont été brutalement arrêtés au domicile d’Oumar Sylla à Conakry par un contingent d’éléments mixte des Forces spéciales et du Groupement d’intervention de la Gendarmerie nationales (GIGN) encagoulés et armés, dont certains étaient en tenue civile. Messrs Billo Bah et Sylla ont reçu des coups de poings et de pieds au visage et ont été traînés au sol jusqu’aux véhicules militaires blindés du contingent.
A 23h le même soir, Mamadou Billo Bah et Oumar Sylla ont été emmenés au siège de la Direction centrale des investigations judiciaires de la Gendarmerie à Kaloum. Aux alentours de minuit, ils ont été transférés au camp des Forces spéciales de l’île de Kassa, au large de Conakry, au sein duquel ils ont fait l’objet de multiples insultes et ont été frappés à coup de fusils durant leurs interrogatoires.
Le 17 juillet 2024, le Procureur général près la Cour de d’appel de Conakry a affirmé dans un communiqué qu’aucun organe d’enquête n’a procédé à aucune interpellation ou arrestation de qui que ce soit » et « qu’aucun établissement pénitentiaire du pays ne détient ces personnes faisant objet d’enlèvement », et a annoncé l’ouverture d’une enquête.
Au moment de la publication de cet Appel Urgent, le sort et la localisation de Mamadou Billo Bah et Oumar Sylla restent incertains, ils n’ont été ni présentés à un juge, ni informés officiellement des charges pesant à leur encontre, et ils n’ont aucun accès à leurs avocats ni à leurs proches.
L’arrestation arbitraire et la disparition forcée de Mamadou Billo Bah et Oumar Sylla surviennent à la suite de l’organisation par ces derniers de mobilisations pacifiques contre la censure de la presse par les autorités militaires guinéennes au cours de ces derniers mois.
Le 16 juillet 2024, en réaction à la détention prolongée des deux défenseurs, le Conseil de l’ordre des avocats de Guinée réuni en Assemblée générale a décidé de boycotter toutes les audiences judiciaires jusqu’au 31 juillet 2024 inclus, dans le but de contraindre les autorités à libérer ou à présenter les deux activistes devant le parquet compétent.
L’Observatoire rappelle que ce n’est pas la première fois que Mamadou Billa Bah et Oumar Sylla sont visés par les autorités guinéennes pour leurs activités légitimes de défense des droits humains. Oumar Sylla avait déjà été arbitrairement arrêté le 5 juillet 2022, puis relaxé le 8 juillet 2022. Il a de nouveau été arbitrairement arrêté le 30 juillet 2022, avant d’être libéré le 10 mai 2023, puis acquitté le 13 juin 2023. Mamadou Billo Bah a quant à lui été arrêté le 21 janvier 2023 puis libéré le 10 mai 2023. D’autres membres du FNDC et de TLP, tels Ibrahima Diallo ou Djanii Alpha, font régulièrement l’objet de détentions arbitraires et de harcèlement de la part des autorités.
L’Observatoire condamne fermement la disparition forcée de Mamadou Billo Bah et Oumar Sylla, qui ne semble viser qu’à entraver leurs activités légitimes de défense des droits humains.
L’Observatoire exhorte les autorités guinéennes à révéler immédiatement le sort de Mamadou Billo Bah et Oumar Sylla et l’endroit où ils se trouvent, à leur octroyer un accès immédiat et inconditionnel à leurs avocats et à des soins médicaux, et à leur permettre de recevoir la visite de leurs familles.
L’Observatoire exhorte également les autorités guinéennes à libérer immédiatement et de façon inconditionnelle Mamadou Billo Bah et Oumar Sylla, et à mettre un terme à tout acte de harcèlement, y compris au niveau judiciaire, et à tout acte d’intimidation à leur encontre, ainsi qu’à l’encontre de tou·tes les défenseur·es des droits humains dans le pays.
L’Observatoire appelle les autorités guinéennes à mener une enquête sur les allégations de mauvais traitements auxquels ils ont été soumis durant leur arrestation et détention.
L’Observatoire appelle enfin les autorités de la République de Guinée à garantir en toutes circonstances le droit à la liberté d’expression et à la liberté de réunion pacifique, consacrés dans les instruments du droit international des droits humains auxquels la République de Guinée est partie, en particulier aux articles 19 et 21 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), ainsi qu’aux articles 9 et 11 de la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples (CADHP). |