Elles sont nombreuses des jeunes filles guinéennes qui sont allées au Koweït avec à l’idée de travailler dignement pour gagner leur vie. Sauf qu’une fois à destination, elles sont soumises à des travaux ménagers sans le moindre salaire en contre partie, et transformées en esclaves sexuelles. Une rescapée de cet enfer est intervenue ce matin dans l’émission phare des « grandes gueules » de la radio Espace FM. Durant plusieurs minutes, elle a raconté les circonstances dans lesquelles elle a quitté la Guinée pour le Koweït et ce qu’elle a subi dans ce pays de l’Asie, rapporte un journaliste de Laguinee.info qui l’a suivie.
A en croire sa narration, elle s’est retrouvée au Koweït par hasard. Quand elle quittait la Guinée, dit-elle, c’était à l’idée de rejoindre la Belgique pour des besoins de soins.
« J’étais malade et je devais partir dans ce cadre là. Ma grand-mère était la Directrice de la Mano River. Elle a eu une offre de me faire traiter en Belgique. Elle a un ami là-bas qui voulait me faire traiter. Ce sont mes parents qui devraient payer les frais de transport mais le logement, la nourriture plus les frais de médicaments, c’est monsieur qui devrait s’en charger. Ma sœur a dit à ma grand-mère qu’elle a une connaissance ici (Conakry) qui peut m’aider à voyager rapidement. Il m’a aidée facilement à obtenir mon passeport. Quand on l’a contacté (le monsieur dont le nom est Kalo), il nous a fait savoir que je dois d’abord passer par le Koweït. C’est un pays dont je n’avais jamais entendu parler. Je ne pouvais pas en douter. Donc on a accepté. Arrivée à l’aéroport, c’est lui (le nommé Kalo) qui m’a tenue la main. Il m’a aidée à remplir les formalités jusqu’à m’accompagner dans la salle d’attente. Tout ça ne pouvait pas faire que je doute de lui. C’est à la rentrée de l’avion que j’ai vu la dernière fois mon passeport. A ma grande surprise, les autres, quand ils montraient leurs passeports, ils rentraient avec. Moi, quand j’ai donné mon passeport à la rentrée de l’avion, on m’a dit de rentrer. Je pensais que c’est comme ça, ça marche. Donc je n’ai pas trop demandé, je suis rentrée. Une fois en Ethiopie, j’ai vu là-bas des filles qui parlaient du Koweït, qu’elles allaient au Koweït. Du coup je me suis approché d’elles, je leur ai demandées. Elles m’ont dit qu’elles partent au Koweït. J’ai dit, c’est un pays de quoi ? Elles m’ont dit c’est un pays arabe, les filles partent là-bas pour travailler. J’ai dit, ah d’accord. Moi je n’ai pas dit que je partais là-bas aussi parce que dans ma tête, c’est pas là-bas je pars. Arrivée dans le territoire koweïtien, il y a un monsieur Souleymane qui est venu me réceptionner à l’aéroport. Je lui dit que je ne sortirais pas de l’aéroport parce que je ne connaissais pas. J’ai dit la personne qui m’a envoyée jusqu’ici, c’est monsieur Kalo. Il m’a fait savoir que c’est comme ça la procédure, qu’il doit d’abord aller me loger jusqu’à ce qu’on termine les autres procédures. J’ai dit d’accord. J’ai suivi le monsieur. Quand je suis arrivée chez le monsieur, j’y ai passé la nuit et le 1er janvier 2018, j’ai commencé à travailler en tant que servante », raconte-t-elle.
Elle qui pensait que son passage par le Koweït ne serait que pour une escale de son trajet à destination de la Belgique, y reste finalement longtemps et ce, dans un calvaire total.
« Il (le nommé Souleymane) m’a envoyé dans une autre maison qu’on appelle maison de contrat. Il m’a dit c’est là que je dois rester, qu’il est marié et que sa maison n’est pas grande, que je peux rester ici jusqu’à ce que je fasse une année et six mois de travail en tant que bonne sans jamais recevoir de salaire. Je n’avais pas de téléphone, je n’avais pas de puce koweïtienne pour appeler qui que ce soit. Lorsque que tu retrouves dans une famille dont tu comprends pas la langue. Je suis restée là-bas et un jour je suis tombée malade. J’ai demandé à la femme d’appeler le monsieur (le nommé Souleymane). J’ai dit qu’il m’a envoyée ici et si ça ne marche, je vais retourner au pays. Elle aussi à compris que je suis en train de travailler dans la maison mais je ne savais pas que je suis là en tant que bonne. Un jour elle m’a dit en arabe qu’elle m’a achetée, que je lui appartiens, du coup je devais faire ce qu’elle va me demander parce que c’est pas elle qui m’a prise dans mon village pour m’envoyer au Koweït. J’ai dit, appelez le monsieur qui m’a envoyée ici. Elle dit non, il n’y a plus ça sauf deux ans après. Ça c’est le contrat. J’ai dit ok, aidez moi à avoir une puce pourque je puisse communiquer avec mes parents. Elle dit qu’il n’en est pas question. J’ai essayé de berner l’esprit du chauffeur de ma patronne. Je lui ai dit de m’aider à avoir une puce de connexion, comme ça je vais joindre mes parents. Le monsieur a compris la situation dans laquelle je vivais, il m’a achetée une puce. Je me suis connectée, je suis partie directement sur Google, j’ai écrit l’ambassade de la Guinée au Koweït. On m’a montré le nom mais je ne savais pas comment arriver là-bas. J’ai eu aussi l’idée d’écrire le quartier des africains au Koweït et on m’a donnée deux quartiers: Mabola et Assawi. Le quartier qui était proche du mien est Mabola. Quand je me suis rendue là-bas, j’ai cherché à avoir d’africains. Je n’ai fait qu’une semaine dans le quartier. J’ai compris que c’est pas un quartier où il fallait rester parce que dans ce quartier, ce sont des filles qui se prostituent, s’arreter dans la rue, inviter des hommes. Je me suis dit que c’est pas tout bon pour moi. J’ai demandé à un jeune s’il a un parent ici un parent fiable qui peut m’aider à aller jusqu’à l’ambassade de la Guinée. Il m’a dit qu’il est ivoirien mais qu’il a une copine à Assawi, que celle-là place des filles au travail. Je pars et la dame me reçoit. La femme me dit, toi tu es vraiment malade, tu pourras pas travailler. Il faut essayer de rentrer. J’ai dit comment je vais rentrer ? Elle a dit je connais votre ambassade, je peux t’accompagner là-bas », témoigne-t-elle.
D’après elle, une fois à l’ambassade dans l’espoir d’être aidée à retourner au bercail, elle a été rejetée parce que, dit-elle, elle n’avait pas d’argent. Ce qui paraît aux yeux de nombreux observateurs comme une complicité de cette ambassade dans le trafic et l’esclavagisme humain dont sont victimes beaucoup de jeunes filles guinéennes au Koweït.
Oury Maci Bah pour Laguinee.info