Les faits justificatifs sont des circonstances matérielles ou juridiques qui justifient ou légitiment une infraction. Ce qui signifie que la responsabilité pénale de l’agent pénal ne peut être retenue alors que tous les éléments constitutifs de l’infraction sont réunis. Les faits justificatifs découlent de la volonté expresse ou tacite du législateur.
C’est au chapitre II intitulé « Des causes d’irresponsabilité ou d’atténuation de la responsabilité » du titre II du Code pénal portant « De la responsabilité pénale » que le législateur guinéen traite des faits justificatifs à savoir la démence, la contrainte, le commandement de la loi ou d’un ordre de l’autorité légitime, la légitime défense ou l’état de nécessité.
En effet, l’article 21 du Code pénal dispose : qu’« Il n’y a ni crime ni délit, lorsque :
Le prévenu est en état de démence au moment de l’action ;
Le prévenu est contraint par une force à laquelle il n’a pu résister ;
Le prévenu agit en vertu d’un commandement de la loi ou d’un ordre de l’autorité légitime, sauf si cet ordre est manifestement illégal ;
L’action du prévenu est commandée par la légitime défense ou l’état de nécessité ».
À ces cas, la jurisprudence ajoute, dans des cas particuliers, le consentement de la victime.
Les cause d’irresponsabilité pénale sont regroupées en cause objectives (l’ordre de la loi, le commandement de l’autorité légitime, la légitime défense et l’état de nécessité) et en causes subjectives (la démence et la contrainte).
Qu’est-ce que le commandement de la loi ou l’ordre de l’autorité légitime ?
L’article 21 – 3 du Code pénal dispose qu’ : « Il n’y a ni crime, ni délit….. lorsque le prévenu agit en vertu d’un commandement de la loi ou d’un ordre de l’autorité légitime, sauf si cet ordre est manifestement illégal ».
Le domaine de l’article 21 – 3 du Code pénal : Cette disposition s’applique généralement à toutes les infractions, quelle qu’en soit la nature, c’est-à-dire aux crimes, délits et contraventions. Aucune restriction n’est possible.
Les conditions d’application dudit article : Une lecture hâtive de cet article pourrait faire penser que ce texte exige pour son application deux conditions : Le commandement de la loi et l’ordre de l’autorité légitime.
En réalité, si on s’en tient aux formules employées par la loi, ces deux éléments doivent être séparés. Le commandement de la loi a une valeur justificative au même titre que l’ordre de l’autorité légitime. D’où l’examen suivant portant sur le commandement de la loi et l’ordre de l’autorité légitime.
Le commandement de la loi a valeur justificative dans le cas où la loi donne directement des ordres à un particulier sans passer par l’intermédiaire d’un supérieur hiérarchique.
Ainsi, en cas de flagrant délit, la loi autorise toute personne à en appréhender l’auteur. En pareil cas, celui qui procède à l’arrestation ne peut être poursuivi pour infraction d’arrestation illégale.
Il en serait de même des Agents de la Brigade Anti-criminalité (BAC) qui pénètrent (même de nuit et par effraction) dans une maison afin d’y porter secours à une personne en danger. Ils ne sont pas coupables de violation d’un domicile.
Le commandement de la loi est assimilé à la permission expresse ou tacite de la loi. Ainsi :
– L’officier de police judiciaire qui respecte scrupuleusement les dispositions du Code de procédure pénale en matière de perquisition ne commet pas une violation de domicile ;
– Il n’y a pas « blessures volontaires » lorsque des médecins exercent leur art dans le cadre des règlements relatifs à la médecine et à la chirurgie ;
– Dans la pratique des sports violents (karaté, par exemple), les blessures occasionnées par un pratiquant sont légitimées dès lors qu’elles sont intervenues dans le respect des règles du sport donné ;
– Ainsi, celui qui viole le secret professionnel dans les cas où la loi l’impose ou l’autorise n’est pas coupable ;
– Il n’y a pas séquestration de personne dans le cadre de la garde à vue régulièrement effectuée par un officier de police judiciaire ou violation de domicile d’un citoyen muni d’un mandat du juge d’instruction dans le cadre d’une information ouverte, etc.
Qu’est-ce que l’ordre de l’autorité légitime ?
Le mot « ordre » doit être entendu au sens large, c’est-à-dire que l’ordre peut signifier une prescription formelle comme il peut signifier une autorisation.
L’autorité légitime est une autorité régulièrement investie et qui a un pouvoir direct sur celui qui va exécuter l’ordre.
L’article 21 – 3 du Code pénal ne pose guère de problèmes lorsque l’ordre donné par le supérieur hiérarchique est conforme au commandement de la loi (par exemple des militaires ouvrant le feu sur un condamné à mort).
La précision suivante est nécessaire à deux points de vue :
A) – L’ordre doit émaner d’une autorité publique, civile ou militaire, légitime au regard des règles du droit public. Un lien de subordination hiérarchique doit exister entre l’autorité qui a donné l’ordre et celui qui a exécuté (cas du militaire poursuivi pour coups et blessures volontaires, prétendant avoir exécuté les ordres de son commandant, ou de l’adjudant de police inculpé d’arrestation illégale qui déclare avoir agi selon les ordres de son commissaire central de police, etc.).
L’autorité qui donne des ordres doit avoir agi dans le cadre de ses fonctions et de ses compétences car « force doit rester à la loi », dit-on.
En revanche, lorsque l’ordre provient d’une autorité privée, il a été jugé qu’une femme ou un domestique qui commet une infraction sur l’ordre du mari ou du patron demeure entièrement responsable, à moins qu’exceptionnellement la femme ou le domestique puisse exciper de la contrainte morale ;
B) – L’ordre ne doit pas être manifestement illégal. Le caractère illégal de l’ordre doit être tel qu’il peut être immédiatement perçue par toute personne (il en est ainsi lorsqu’au cours d’une manifestation pacifique, le capitaine d’une troupe donne l’ordre à ses soldats de tirer à balles réelles, sans sommation, sur les manifestants ou encore lors d’une fouille à corps le commissaire de police ordonne à un de ses agents de caresser les seins d’une jeune fille arrêtée).
La réunion de ces conditions va légitimer les actes commis par l’exécutant. La question que l’on pourrait se poser est de savoir si l’obéissance à un ordre manifestement illégal donné par une autorité légitime est une cause de justification.
La question de l’exécution d’un ordre fait l’objet de nombreux débats :
– Pour les uns, l’obéissance passive du subordonné n’est pas à discuter. Il doit exécuter les ordres de ses chefs hiérarchiques, fussent-ils illégaux ;
– Pour les autres, le subordonné doit refuser d’exécuter un ordre manifestement illégal (système dit des « baïonnettes intelligentes »).
Ces différentes théories ont toutes des inconvénients : Pour la théorie de « l’obéissance passive » le système est dangereux en ce qu’il crée une sorte de complicité entre le subordonné qui se retranche derrière les ordres et le chef hiérarchique. Ce qui est fondamental, quant à l’ordre donné, celui-ci doit être légal.
Le système dit des « baïonnettes intelligentes » a aussi l’inconvénient de compromettre dangereusement la discipline dans les rangs militaires, par exemple.
Une théorie intermédiaire pose l’hypothèse selon laquelle il faut distinguer entre l’illégalité manifeste et l’illégalité non manifeste.
Serait donc punissable le subordonné qui exécute un ordre manifestement illégal (cas du policier qui commettrait un attentat à la pudeur sur l’ordre de son commissaire central).
Mais au regard des dispositions de l’article 801 du Code pénal : « L’ordre du supérieur hiérarchique, militaire, civil ou de l’autorité légitime ne peut exonérer de sa responsabilité l’auteur d’une infraction visée au titre I ci-dessus, à moins que les trois conditions suivantes ne soient réunies :
1. l’auteur de l’infraction avait l’obligation légale d’obéir aux ordres de l’autorité légitime ou du supérieur hiérarchique concerné ;
2. l’auteur de l’infraction ignorait le caractère illégal de l’ordre ;
3. l’ordre n’était pas manifestement illégal ».
a) – L’ordre et l’autorisation de la loi ou du règlement : Celui qui accomplit un acte prescrit par la loi, ou seulement autorisé par des dispositions législatives ou réglementaires, n’est pas pénalement responsable.
Si la loi s’adresse directement à telle personne, celle-ci n’a pas besoin d’attendre l’ordre d’un supérieur pour agir. Exemple : Le médecin, à qui la loi impose l’obligation de déclarer certaines maladies contagieuses ne viole nullement le secret professionnel en les déclarant.
Exemple : Au regard des dispositions de l’article 116 du Code de procédure pénale : Dans les cas de crime ou délit flagrant, toute personne a qualité pour en appréhender l’auteur et le conduire devant l’officier de police judiciaire le plus proche. Cette arrestation n’est nullement une arrestation arbitraire.
L’exercice de certaines professions et la pratique de certains sports sont de véritables autorisations pour commettre certains actes brutaux dans le respect de l’art pouvant entraîner des blessures voire des morts comme la boxe ou le karaté.
b) – Le commandement de l’autorité légitime : Celle-ci peut être civile ou militaire mais non une autorité privée comme celle du père sur son enfant, ou du patron sur son employé. Ce qui est évident, il n’y a pas de justification en cas d’ordre manifestement illégal. L’agent pénal qui agit contrairement à cette règle est pénalement responsable de l’infraction commise.
(Suite la légitime défense).
Mamadou Alioune DRAME
Ancien Magistrat