Depuis l’avènement du Comité National de Rassemblement et de Développement (CNRD) au pouvoir en Guinée à la suite d’un coup d’État, la liberté de la presse dans le pays est sérieusement menacée. Les autorités en place utilisent tous les moyens pour réduire au silence les voix critiques à travers des arrestations arbitraires, des intimidations et des suspensions injustifiées. Ce constat alarmant a été dressé par les activistes des droits de l’homme, à l’occasion de la journée internationale de la liberté de la presse.
Depuis la libération de la presse en Guinée, jamais les médias n’avaient été confrontés à de telles restrictions persistantes, causant le chômage de plus de 500 employés dans le domaine, selon les informations officielles. Des médias privés de grande audience, tels que Espace TV et FM, Djoma TV et FM, ainsi qu’Evasion TV, subissent des actes de brouillage et sont retirés des bouquets Canal+ et Startimes. Pour Mamadou Diallo, activiste des droits de l’homme, cette évolution est une violation flagrante de l’article 19 de la Déclaration universelle des droits de l’Homme, qui garantit la liberté d’expression et d’opinion:
« Il y a des restrictions graves et même des violations répétitives et systémique de l’espace civique y compris la presse en violation de l’article 19 de la Déclaration universelle des droits de l’Homme qui reste un idéal à atteindre par tous les peuples et toutes les nations du monde. Cet article stipule que tout individu a droit à la liberté d’expression, à la liberté d’opinion, ce qui implique le droit d’exprimer ses opinions sans être inquiété et sans aucune considération de frontière. Ce qui se passe actuellement, le brouillage de certains médias, le retrait de certains médias des bouquets et des poursuites répétitives des journalistes et des sanctions, je dis que la presse passe un sale temps. En tant que défenseur des droits de l’homme, je ne peux que m’indigner face à une telle situation d’injustice et de violation des droits de l’homme qui doit interpeller tous les hommes épris de paix de justice et de liberté », s’indigne le défenseur des droits de l’Homme.
La répression de la presse en Guinée vise à museler toute voix de contestation et à préserver l’opacité entourant la gestion des biens publics. En restreignant le journalisme d’investigation, le CNRD cherche à maintenir son emprise sur le pouvoir. Or, dans une démocratie, le journalisme d’investigation devrait être renforcé pour dénoncer la corruption et assurer la transparence. Cette atteinte à la liberté de la presse démontre clairement l’ambition du CNRD de se maintenir au pouvoir à tout prix, au détriment des droits fondamentaux et de la démocratie.
Les conséquences de cette précarité dans laquelle sont plongés les médias guinéens préoccupent Adrien TOSSA, Coordinateur national de l’ONG ‘’Mêmes Droits pour Tous’’ (MDT). Selon lui, cette situation actuelle compromet non seulement l’existence et la viabilité des médias, mais représente également une menace pour l’avenir de la liberté d’expression dans le pays:
« La presse ayant une certaine audience auprès du public, auprès des auditeurs, auprès des populations, cette presse-là est en danger. Il faut forcément le souligner. Le danger évoqué est un danger actuel et futur. Parce que, si cette situation ne permet pas à la presse de vivre de son travail, de jouer convenablement son rôle, alors, pour demain, il y a des craintes. Il y a suffisamment de crainte pour cette presse-là dans son existence, dans sa viabilité, il y a suffisamment à craindre de ce point de vue-là » , craint-il ce juriste en même temps chargé de cours de droit dans certaines universités guinéennes.
La Haute Autorité de la Communication (HAC), chargée de réguler le secteur, s’est révélée impuissante sous l’ère du CNRD, se transformant en instrument de répression contre les médias et les professionnels de l’information. Les prétextes éthiques, déontologiques et de « sécurité nationale » utilisés pour justifier ces mesures répressives ne font que dissimuler l’intention réelle du régime de faire taire toute voix critique. « Le respect de l’éthique et de la déontologie reproché aux médias n’est ni plus ni moins qu’un prétexte pour faire taire les voix dissonantes dans la cité. D’ailleurs, qu’a-t-on reproché aux chaines de radio et télé dont on a fait retirer sur les bouquets de Canal+ et Startimes sur fond de menace de ces distributeurs ? En tout cas le terme ‘’Pour raison de sécurité nationale’’ soutenu n’est pas une infraction qui pourrait être reprochée à ces médias en moins un manquement à une quelconque clause de leurs cahiers de charge», s’inquiète le président de l’ONG Avocats Sans Frontières-Guinée.
Face à cette situation inquiétante, certains appellent les pionniers de la liberté de la presse à intensifier leur combat pour défendre les valeurs démocratiques et garantir le respect des droits fondamentaux. Il est temps que ceux qui gouvernent comprennent que la République de Guinée reste ancrée sur la planète terre, et que les droits de ses citoyens doivent être respectés.
Ibrahima Alhassane Camara, pour Laguinee.info