Au cœur des contrées reculées de Batè, précisément à Banankoni, un district relevant de la sous-préfecture de Karifamoriah et situé à une dizaine de kilomètres de Kankan, réside l’une des familles les plus réputées en Guinée pour ses traitements thérapeutiques. Malgré leurs modestes moyens, cette famille suscite l’intérêt tant au niveau national qu’international en raison de la qualité de ses soins, mais surtout de sa politique de soins gratuits.
Dans une interview accordée à notre correspondant basé à Kankan, Issiaka Keita, l’actuel patriarche de la famille, dévoile son quotidien. Dans sa soixantaine, il raconte comment il a embrassé cette vocation dès son plus jeune âge : « C’est un héritage familial, c’est mon père qui m’a légué. Depuis le bas âge, je venais au côté de lui, c’est comme ça que j’ai appris. Comme lui, il a avancé en âge, moi et mes frères, nous avons pris le relai ».
Actuellement, Issiaka Keita et ses frères accueillent des centaines de patients chaque jour, venant de divers horizons, sans jamais réclamer le moindre paiement, conformément à la tradition familiale. Toutefois, les patients guéris sont libres de faire un don s’ils le souhaitent : « Mon père m’a dit de ne prendre l’argent avec personne, où demander quelque chose. Celui qui sera guéri, si tu gagnes un coq, ce n’est pas mauvais, au cas échéant ce n’est pas une dette envers toi. On manifeste notre volonté seulement, c’est Dieu qui guérit. Et si tes parents te disent de ne pas faire, si tu ne veux pas avoir de la malédiction, tu dois obéir à cela », explique-t-il.
Issiaka Keita confie que les patients affluent non seulement de toutes les régions de la Guinée, mais aussi de nombreux pays étrangers : « Nous recevons des patients qui viennent de différents pays, par exemple le Burkina Faso, il y a quelqu’un qui est venu de Bangkok, en ce moment, il y a un Algérien ici ».
Comme dans les hôpitaux, M. Keita a aménagé des espaces pour la rééducation physique afin d’accélérer le processus de guérison, comme le souligne l’un des membres de la famille : «Nous avons prévu des zones pour ceux qui ont besoin de rééducation physique, ce qui leur permet de retrouver leur mobilité.»
Malgré sa satisfaction à aider les autres, le guérisseur fait face à de nombreuses difficultés, notamment le manque de logement pour héberger les nombreux patients et le problème d’accès à l’eau. Faute de place, de nombreux malades sont contraints de passer la nuit à la belle étoile : « Nous avons un problème d’hébergement, comme vous les voyez, installés de cette façon, il n’y a pas de places. Ils souffrent beaucoup surtout en période de la saison… Aussi, le problème de l’eau. Si vraiment on pouvait avoir des appuis dans ce sens, ça nous ferait plaisir. D’ailleurs, je remercie beaucoup les habitants de ce village qui m’aident, à ce niveau, il n’y a une concession ici où il n’y a pas d’étrangers», témoigne-t-il.
Amadou Thiam, originaire de Dinguiraye, compte parmi les nombreux patients qui bénéficient des soins d’Issiaka. Il loue les compétences de son guérisseur : « J’avais un problème au niveau de mon dos, un ami m’a dit, qu’il y a un tradi-praticien dans une localité non loin de Kankan, je suis venu ici. Quand je suis arrivé, il m’a dit : ‘’Mon ami, je peux mais si tu es pressé, il faut retourner ça ne pourra pas être traité dans la précipitions’’. Je lui ai dit que je peux attendre le temps qu’il faut. Quand je venais, je mangeais et priais étant couché. Mais aujourd’hui, je marche. Hier, j’étais à Kankan. S’il y a quelqu’un à aider aujourd’hui, c’est lui, que les autorités le sachent ».
De Kankan, Karifa Doumbouya, pour Laguinee.info