dimanche, octobre 6, 2024
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Le régime juridique alambiqué des comptables matières et matériels en Guinée

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Ce présent constitue une contribution tendant à redorer l’image du système de gestion des biens et valeurs inactives de l’État et à rehausser le régime juridique et statutaire des comptables matières et matériels. Ce régime juridique demeure alambiqué dans nos législations financières.

Les comptables matières et matériels sont des agents de l’État qui assurent le suivi régulier des entrées, des sorties et quantités des immobilisations en stock, toujours placés en Guinée, sous l’autorité des ordonnateurs des structures budgétaires de l’État.

Il est constant que dans l’organisation actuelle du réseau comptable guinéen, les comptables matières et matériels ne font pas parties. Ils ne bénéficient pas du plus haut acte de nomination du Ministre chargé des finances, ne constituent point de caution, ne prêtent non plus serment devant la Cour des comptes encore moins d’être investis dans les pouvoirs séparés de l’ordonnateur de l’organisme auprès duquel ils sont détachés.

Face à cette situation sensible, derrière laquelle les Ministres chargés des finances se retranchent pour mal positionner lesdits comptables, le législateur financier devrait faire preuve de clarté mais il a manqué de principe de rationalité.

Toutefois, à relire certaines dispositions du Règlement Général sur la Gestion Budgétaire et la Comptabilité Publique (RGGBCP) qui par ailleurs, constitue le décret d’application de la loi organique relative aux lois de finances de 2012, nous laisse comprendre que les comptables matières et matériels méritent rejoindre le réseau comptable de l’État.

I-        Le siège juridique de l’analyse

Aux termes de l’article 87 du Règlement Général sur la Gestion Budgétaire et la Comptabilité Publique (RGGBCP) prévoient : « Les comptables publics sont seuls habilités à effectuer les opérations entre autres, de garde et de la conservation des fonds, valeurs, titres et matières appartenant ou confiés à l’État ou aux autres organismes publics. De la conservation des pièces justificatives des opérations et des documents de comptabilité. De la tenue de la comptabilité du poste comptable dont il a la charge… »

Il ressort de ces dispositions que la conservation des titres et matières appartenant ou confiés à l’État ou aux organismes publics qui relèvent de la compétence du comptable matières et matériels.

Les bureaux, les fournitures de bureaux, les véhicules de service, de commandement, les dons en nature, les cartes carburants, ordinateurs, des chaises, des armoires, de la logistique, autres matériels du service relevant de ce domaine. Il est chargé de suivre le processus d’acquisition jusqu’à leur sortie du patrimoine de l’organisme à travers un plan d’amortissement et/ou de réformation.

En outre, il ressort de manière confuse des dispositions de l’article 65 RGGBCP que : « La comptabilité des matières est une comptabilité d’inventaire permanent ayant pour objet la description des actifs corporels, biens mobiliers et immobiliers, stocks à l’exclusion des immobilisations incorporelles, deniers et valeurs de l’Etat. Elle décrit les actifs détenus ainsi que leurs mouvements d’entrée et de sortie.

La comptabilité des matières est tenue en partie simple par les ordonnateurs. Ces derniers sont personnellement responsables de la bonne tenue de la comptabilité matière ainsi que de la bonne conservation et de la bonne utilisation des matières dont ils ont la charge.

Des inventaires et comptes d’emploi sont établis périodiquement à date fixe et transmis au contrôleur financier qui peut opérer des contrôles sur pièces et sur place des actifs, biens et stocks sous la garde de l’ordonnateur auprès duquel il est placé. »

Ici, le législateur confère le droit à l’ordonnateur de tenir une comptabilité en partie simple en lieu et place d’un spécialiste (comptable). Conscient de leurs limites techniques et de faute de temps, que le Ministre chargé des finances nomme un agent appelé comptable matières et matériels afin d’assister l’ordonnateur dans la tenue de cette comptabilité.

Il faudra avoir le courage de dénoncer cette manière de gérer qui se fait à l’absence de tout contrôle par un servie indépendant. Dans le cas d’espèce, il appartient à l’ordonnateur d’acheter les biens, de les gérer et de les sortir du patrimoine avec tous les risques qui s’y attachent.

Il convient en outre de rappeler que la description des actifs corporels, biens mobiliers et immobiliers renvoie aussi à toutes valeurs inactives ayant pour objet la détermination des existants et des mouvements concernant les formules, titres, tickets, timbres et vignettes destinés à l’émission et à la vente, ainsi que les valeurs confiées et les objets remis en dépôt par des tiers.

En réalité, il s’agit des valeurs, autres que le numéraire, qui sont déposées par des tiers et qui n’entrent pas, par conséquent, dans la situation patrimoniale de l’organisme.

Des rapprochements périodiques qui doivent être effectués entre les données de la comptabilité des matières et celles de la comptabilité générale de l’Etat doivent être effectués par les comptables et supervisés par la Cour des comptes.

Il importe de rappeler que les comptables publics du trésor manient le denier public tandis que les comptables matières et matériels doivent gérer avec responsabilité personnelle et pécuniaire les biens ou immobilisations corporelles de l’État jusqu’à leurs amortissements. Le constat qui s’impose aujourd’hui est que, les biens qui sont achetés par l’État, par truchement des ordonnateurs, ne font pas objets de contrôle strict après leurs acquisitions et amortissements et ce, au mépris de tout plan d’amortissement. Au pire des cas, ils disparaissent après quelques années d’usage sans qu’on engage la responsabilité ni des comptables encore moins des ordonnateurs devant la Cour des comptes. Faut-il préciser qu’en la matière, le législateur parle de la responsabilité personnelle de l’ordonnateur- comptable et non celle pécuniaire, comme pour dire qu’ils ne sont pas justiciables de la Cour des comptes pour mauvaise gestion des biens et valeurs inactives de l’État.

Pour autant, le principe voudrait que les biens amortis soient remis aux comptables matières afin qu’ils fassent organiser conformément à la procédure une vente aux enchères ou la réformation en tenant compte de sa valeur du moment et reverser le montant obtenus au Trésor public.

Ne le faisant pas ainsi, l’État perd substantiellement sur ces biens et valeurs inactives, quand bien même que cela prenne de l’ampleur dans l’administration guinéenne.

Au regard de constat sus présenté, quelques pistes de solution se dégagent.

II-  Les pistes de solution

Face à cette situation, on peut vivement suggérer les pistes de solutions ci-après :

  • Considérer les comptables matières dans les législations financières notamment Règlement Général sur la Gestion Budgétaire et la Comptabilité Publique (RGGBCP) comme étant des comptables publics.
  • Nommer les comptables matières et matériels par le Ministre en charge des
  • Relever les comptables matières sous l’autorité des ordonnateurs et ériger leur Direction nationale en une Direction générale de la comptabilité matières et matériels ;
  • Établir le principe de séparation des fonctions entre les ordonnateurs et leurs comptables matières et matériels.
  • Faire constituer garantie et les faire prêter serment par devant la Cour des comptes de Guinée.
  • Choisir les comptables matières et matériels parmi les cadres de haut niveau et ayant une formation technique et professionnelle attestée par un centre académique reconnu conformément aux dispositions de l’article 88 du

III-             Les conditions d’éligibilité du comptable public

Aux termes de l’article 88 du RGGBCP : « Les comptables publics sont nommés parmi les cadres du ministère des finances disposant des capacités et compétences professionnelles, attestées notamment par une formation spécifique et un diplôme, selon des modalités définies par un arrêté du Ministre chargé des finances. Les comptables publics sont des comptables principaux ou des comptables secondaires. Les comptables principaux peuvent avoir sous leur autorité hiérarchique un ou des comptables secondaires. Ils rendent leurs comptes, après contrôle et intégration des comptes de leurs comptables secondaires, directement à la Cour des comptes. Les comptables principaux sont nommés par le Ministre chargé des finances. Les comptables secondaires sont aussi nommés par le Ministre chargé des finances. Ils rendent leurs comptes à un comptable principal qui contrôle leur comptabilité et consolide leurs comptes. Les comptables publics sont accrédités auprès des ordonnateurs ainsi que, le cas échéant, des autres comptables publics avec lesquels ils sont en relation. »

Les dispositions de l’article 88 suscitées exigent l’acquisition des capacités et compétences professionnelles, attestées par une formation spécifique et un diplôme, selon des modalités définies par un arrêté du Ministre chargé des finances pour être nommé comme étant comptable public.

En Guinée l’Institut qui est habilité à donner ces formations afin de délivrer les certificats valant diplômes professionnels s’appelle, le Centre de formation en Finances Publiques (CFFP) sis au Trésor, 2ème étage.

Ce Centre est créé depuis 2020 avec l’appui de l’Union européenne et a déjà formé plus de

200 cadres sélectionnés parmi les fonctionnaires du Ministère de l’économie et des finances, du Ministère du Budget, du Ministère du Plan et des corps de contrôle, et ce dans les domaines suivants :

  • La Gestion Budgétaire ;
  • La Comptabilité Publique ;
  • La Fiscalité ;
  • L’Audit et contrôle de la Gestion des finances

Le constat qui s’impose aujourd’hui est que ce Centre est confronté à d’énormes difficultés et c’est pour cette raison, qu’il convient d’attirer l’attention du Ministre en charge des finances (tutelle administrative et financière) afin d’y faire face. Il convient de reconnaitre certains efforts du Ministère, notamment l’érection du Centre à un organisme public (EPA) mais faut-il le dire, ces efforts doivent être poursuivis.

En définitive, le bon suivi des biens de l’État, assorti de la responsabilité personnelle et pécuniaire (RPP) du comptable matières et matériels, permettra à l’État de faire une gestion rationnelle de ses biens mobiliers et immobiliers impliquant ainsi la maîtrise de ses dépenses effectuées dans les acquisitions.

Il faudra ouvrir la réflexion sur une autre situation. Il s’agit des services administratifs et financiers (SAF) dans les services déconcentrés des Ministères notamment le Ministère de de l’enseignement pré-universitaire et de l’alphabétisation et celui de l’enseignement supérieur, de la recherche scientifique et de l’innovation.

En l’espèce, les Ministères suscités se permettent de nommer les SAFs qui sont des équivalents des DAFs dans les Ministères et Institutions constitutionnelles. Encore une fois, il relève du Ministre chargé des finances de nommer les cadres chargés de maniement des deniers publics quelle que soit la forme de la structure de l’État auprès de laquelle ils sont placés y compris les régies.

La nomination par les autres Ministres dans ce domaine réservé, expose les cadres à la gestion de fait tel que prévu par les dispositions de l’article 6 de la Loi Organique L/2013/046/CNT du 18 janvier 2013, portant organisation, attributions, fonctionnement de la Cour des comptes et le régime disciplinaire de ses membres et qui doivent être jugés comme étant des gestionnaires de fait.

Djibril MAGASSOUBA

Enseignant à la Faculté des sciences juridiques et politiques et à la Faculté de l’économie et de gestion à l’Université GLC de Sonfonia Conakry.

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