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Débat sur le marché gré à gré en Guinée : cette analyse de Dr Alhassane Makanera

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En Guinée, les débats sur le marché gré à gré continuent de créer assez de divergences. Les cas qui ont d’ailleurs alimenté les débats ces derniers temps, sont ceux révélés après la passation des contrats en vue de procéder à la rénovation du domicile du Premier ministre Dr Bernard Goumou et le siège du ministère des Postes, des télécommunications et de l’économie numérique, dirigé par Ousmane Gaoual Diallo, à la cité chemin de Fer.

En réalité, qu’est-ce qu’un marché gré à gré ? Avec qui doit-il être conclu et quels en sont les enjeux ? Une journaliste de Laguinee.info a interrogé Dr Alhassane Makanera Kaké, enseignant-chercheur à l’Université Général Lansana Conté de Sonfonia, ce vendredi 15 septembre 2023.

Lisez !

Laguinee.info : Quelle définition pouvons-nous retenir du terme « marché de gré à gré ? »

Dr Alhassane Makanera Kaké : Le marché gré à gré veut tout simplement dire que l’administration peut se comporter comme un particulier dans l’attribution de ces marchés. Soit marché de fourniture, marché de services ou marché de travaux. Autrement dit, l’administration n’a pas besoin de faire appel à la concurrence. Cela veut dire qu’il a un choix libre de passer le marché à tel ou tel agent ou entrepreneur ou fournisseur ou prestataire.

Laguinee.info : Ces derniers temps, les débats sont accentués sur les contrats qui seraient accordés à des entreprises sous l’appellation « marché gré à gré », avec les autorités en place. Le cas qui fait la Une dans le pays, est celui sur la rénovation des bâtiments du département d’Ousmane Gaoual Diallo et le domicile du Premier ministre Bernard Goumou. Quelle lecture faites-vous ?

 

Dr Alhassane Makanera Kaké, enseignant-chercheur à l’Université Général Lansana Conté de Sonfonia

Dr Alhassane Makanera Kaké : D’abord nous avons suivi que ces marchés ont été octroyés ou passés sous gré à gré. Pour répondre à la question, il faudrait d’abord dire que la loi guinéenne sur les marchés publics parle de deux (2) modes de passations. Il y a ce qu’on appelle comme principe, appel d’offres qui est un appel à la concurrence et il y a de l’autre côté, ce qu’on appelle gré à gré ou il n’y a pas d’appel à la concurrence. On l’appelle également entente directe entre l’Etat et son co-contractant, mais le principe, c’est l’appel d’offres. On ne fait pas gré à gré parce qu’on veut le faire, ce n’est pas optatif. Les conditions de passer le marché gré à gré doivent être réunies. Il y a d’abord les marchés qui doivent être passés gré à gré obligatoirement, ce sont les marchés de la défense et les marchés de la sécurité. Eux, ils n’ont pas besoin de publier, mais également la loi dit qu’il est possible de passer des marchés gré à gré en dehors de ces marchés que nous venons de citer. Il dit mais pour cela, l’administration qui veut passer le marché gré à gré doit obtenir l’autorisation du ministre en charge de l’économie. Mais cette autorisation pour qu’elle soit donnée, il faudrait absolument que la lettre justifie qu’on a renoncé à l’appel d’offre pour choisir gré à gré. Donc, il faut que cela soit motivé, mais dans la pratique, les motifs évoqués dans ces cas, c’est l’urgence. C’est la première condition. Deuxièmement, il faut absolument que le marché qui doit être passé gré à gré dans le plan de passation, le montant global qui doit être passé, il ne faudrait pas que cela dépasse 10% de l’ensemble. Je veux tout simplement dire que, si un ministère a un marché dans son plan annuel à passer d’un montant de 100 millions, ce ministère ne peut pas faire un marché gré à gré de plus de 100 millions également. Toujours dans le gré à gré, d’autres conditions sont que, l’entreprise qui est retenue à l’obligation de publier son bilan, son compte d’exploitation, son compte résultat en un mot, tout document qui permet à ce que le prix de revient de cette entreprise soit connue pour éviter la surfacturation. Voici globalement, quelques conditions qu’il faut remplir pour passer le marché gré à gré. Il faut dire que le marché gré à gré est plus compliqué, plus complexe que de passer un marché par appel d’offres mais dès que vous décidez gré à gré, les contrôles deviennent plus importants et plus complexes.

Laguinee.info : Est-que c’est possible de faire un marché gré à gré avec vos connaissances ?

Dr Alhassane Makanera Kaké : En faite, on ne doit pas passer le marché à une connaissance ou un parent, c’est interdit car il y a conflits d’intérêt. Le code condamne cela sévèrement, parce qu’on est dans la démocratie économique, c’est mettre tous les citoyens égaux devant le travail public. Deuxièmement, condition avec même nature, même qualité, celui qui peut donner le prix le plus bats c’est les deux principales conditions. Maintenant si cela tombe sur l’ami, il n’y a pas de problème parce qu’on ne peut pas être victime parce qu’on est ami de quelqu’un. Ce que la loi évite, il ne faudra pas qu’il ait de favoritisme dedans. Mais malheureusement, en Guinée, notre code de marchés publics refuse de corriger un certains nombre d’insuffisances. On a besoin d’un code qui évite à ce qu’on crie, lorsqu’il y a des passations de marchés et des solutions existent, il faudrait juste proposer des solutions qui peuvent répondre au problème posé, parce que, tant qu’on a ce code de marchés publics, on parlera de gré à gré, on parlera de la surfacturation, on parlera de la corruption parce que le code permet tout cela.

Laguinee.info : Un dernier mot sur l’enjeu lié au marché gré à gré?

Dr Alhassane Makanera Kaké, enseignant-chercheur à l’Université Général Lansana Conté de Sonfonia

Dr Alhassane Makanera Kaké : Je veux juste dire que les marchés publics constituent un instrument essentiel pour le développement économique, social d’un pays. C’est à travers le marché public que l’Etat développe le pays, soit développer un secteur d’activité, soit faire un développement global. Si le marché public est mal géré, c’est notre développement qui prend le coût. Donc, une mauvaise gestion du marché public ne crée que de pauvreté, la misère et le malheur, c’est pourquoi il est dans l’intérêt de tout le monde, surtout les acteurs qui sont impliqués dans l’exécution du marché, pour que les marchés soient bien préparés, bien passés, bien exécutés, bien payés avec des garanties décennales ou pluri-décennales. C’est ce qui peut faciliter le développement. Mais plus nous ne comprenons pas le lien entre le marché public et le développement du pays, plus nous pensons que le marché public, c’est s’enrichir les poches et qu’on est en train de faire du mal au pays de génération en génération.

Sirani Diabaté pour Laguinee.info

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