Il y a quelques semaines, alerté par un ami testé positif, je m’empressai de me présenter dans un centre médical dont je tairai le nom pour voir si oui non, j’étais atteint de coronavirus.
Au portail, je fus accueilli par une charmante jeune fille qui, gestes barrières obligent, m’invita à me laver les mains dans une solution hydro-alcoolique. Après quoi, elle m’indiqua d’un geste vague des arbres sous lesquels attendaient quelques quidams venus avant moi : « Allez, vous inscrire là-bas ! »
Inscrire ? Il n’y avait là ni bureau ni ordinateur ni même une bonne âme pour répondre à mes questions. A force d’ouvrir les yeux, je finis par distinguer au milieu des gens une vieille chaise où traînaient deux feuilles de papier libre retenues par un stylo- bille. Je notai mon nom. Deux bonnes heures après, assoiffés et inondés de soleil, nous eûmes enfin le plaisir de voir une dame et deux messieurs s’installer avec deux registres et un ordinateur portable sur la terrasse de la maison la plus proche.
L’appel ne commença cependant pas tout de suite. Il fallut attendre encore une heure avant que je n’entende prononcer mon nom. On me demanda juste mon état-civil, le quartier que j’habite et mon numéro de téléphone. Tenez-vous bien, on ne me réclama aucun papier d’identité. On ne m’invita pas non plus à remplir une fiche de renseignements.
Après cette formalité qui m’étonna par sa banalité, je retournai m’assoupir à l’ombre des acacias. On m’appela de nouveau après un laps de temps qui me parut une éternité. On me conduisit enfin dans le saint des saints : la salle de prélèvements. Ce fut bref cette fois et même très bref. Le laborantin m’introduisit un petit appareil dans le nez et me désigna ensuite la porte de sortie en bougonnant quelque chose que je ne compris pas.
Comme il ne me délivra rien ni récépissé ni attestation, je compris que je devais retourner à ma place et attendre les résultats. Quelques minutes plus tard, me voyant somnoler, une infirmière m’expliqua que je devais rentrer chez moi. Les résultats me seraient communiqués trois jours plus tard. Comment ? Par téléphone.
Trois jours plus tard rien. Une semaine plus tard, toujours rien. La grande inquiétude ! Avait-on perdu mes résultats (il paraît que ça arrive souvent) ? Les avait-on confondus avec ceux d’un autre ? Malgré mes nombreux coups de fil, le centre médical ne pouvait rien m’expliquer (il ne faisait qu’héberger le service chargé du test.)
Dix jours après, ouf, le SMS salvateur : mon test s’avérait négatif ! J’étais heureux de le savoir mais malheureux pour mon pays. Si j’avais fait le test dans un hôpital de Dakar, d’Abidjan ou de Kampala, je n’aurais pas eu affaire à un tel foutoir.
Comme quoi, l’hôpital ne diagnostique pas que la maladie du citoyen. Il diagnostique aussi celle du pouvoir. Si vous voulez juger la qualité de vos dirigeants, n’écoutez pas leurs discours, visitez leurs écoles et leurs hôpitaux ; regardez comment ils règlent la circulation routière, comment ils ramassent les ordures.
Ces quatre critères suffisent largement pour savoir ce que vaut un chef d’Etat. On devrait édicter une règle de salubrité publique valable pour toute l’Afrique : un président qui n’est même pas capable de ramasser les ordures doit être jeté à la poubelle.
A brûle-pourpoint !
Tierno Monénembo, in Le Lynx