Le CNRD qui a renversé Alpha Condé au pouvoir le 5 septembre 2021, est de nos jours la cible des critiques des acteurs sociopolitiques guinéens. Alors qu’il (CNRD ndlr) se prépare pour célébrer les deux ans de son avènement au pouvoir, sa gestion est cependant considérée comme un échec à la tête de la Guinée. Laguinee.info dans la poursuite de son dossier sur la gestion des autorités de la transition, a interrogé à cet effet Alsény Farinta Camara, responsable à l’organisation du Front National pour la Défense de la Constitution (FNDC). Avec cet activiste et acteur clé du mouvement anti-troisième mandat pour Alpha Condé, plusieurs sujets ont été abordés.
Laguinee.info : Durant les 2 ans du CNRD, nous avons vu qu’il y a eu de périodes dures avec votre structure, le FNDC. Et le 5 septembre prochain, marque la venue de Doumbouya et son équipe au pouvoir. Pensez-vous qu’ils seront capables de se venter d’un bilan?
Alsény Farinta Camara : Après deux ans d’exercice de pouvoir par le CNRD, la rupture entre les autorités de la transition et le peuple de Guinée se brise davantage, dans la mesure où les engagements pris par le Colonel Mamadi Doumbouya le 5 septembre 2021, la plupart n’ont pas été respectés et ne sont pas en train d’être respectés par les autorités. Ce qui fait qu’aujourd’hui, le peuple n’a plus confiance au CNRD, dans la mesure où, ils ont venté de lutter contre la corruption, la justice est la boussole, ils vont lutter contre l’enrichissement illicite… Aujourd’hui, force est de connaître que l’enrichissement illicite et la corruption sont devenus des méthodes de gouvernance du CNRD. Sans oublier la justice qui était censée être la boussole, aujourd’hui elle est la plus instrumentalisée mieux que le régime d’Alpha Condé. Tout ce que le colonel Mamadi Doumbouya avait dénoncé en ce qui concerne le régime d’Alpha Condé, aujourd’hui, il est en train de les pratiquer. C’est devenu même des méthodes de gestion de la chose publique, ce qui est regrettable. Donc c’est ce qui fait que la confiance est au plus bas niveau entre le CNRD et la population guinéenne.
Laguinee.info : Quand on prend l’aspect dialogue avec les acteurs sociopolitiques, est-ce que vous pensez qu’il y a eu une fumée blanche ?
Alsény Farinta Camara : Puisque déjà, les religieux sont en train de travailler pour aplanir les divergences entre les acteurs sociopolitiques et les autorités de la transition, il faut espérer que les chefs religieux qui, selon une étude réalisée par Afrobaromètre en mars dernier, que les chefs religieux bénéficient de la confiance des guinéens à 80%, comparativement aux chefs traditionnels, qui sont légitimes auprès des citoyens jusqu’à 67%. Donc ces statistiques d’Afrobaromètre ne sont pas à négliger. Et nous faisons confiance aux chefs religieux. L’initiative qu’ils ont prise pour aplanir les divergences entre les acteurs sociopolitiques et le CNRD pourra aboutir. Mais nous avons vraiment besoin que les religieux accélèrent les pas pour que le CNRD ouvre un cadre de dialogue fécond entre les fils et les filles de la Guinée pour que nous puissions discuter de la conduite de la transition. Vous savez, nous sommes opposés à la conduite unilatérale, parce que nous avons un certains nombre d’observation que le CNRD n’a pas pris en compte. Et que nous voulons qu’il les prenne en compte pour que nous puissions sortir de cette transition. Et rappelez-vous, depuis la signature des accords entre la CÉDÉAO et les autorités guinéennes, nous sommes aujourd’hui à une année de ces accords, les accords dits dynamiques. Nous sommes pratiquement à quatre mois de l’année électorale et rien n’a été fait dans ce sens pour que nous puissions sortir de cette situation. Ni un projet de constitution, ni un code électoral, ni un fichier électoral propre, crédible et accepté par tous les guinéens. Ni un organe de gestion des élections n’est mis en place pour assurer l’opinion nationale et internationale que nous sortons de cette transition. Donc, c’est vraiment regrettable qu’aujourd’hui que les autorités de la transition se lancent dans une course effrénée de l’enrichissement illicite.
Laguinee.info : En terme de réalisation des infrastructures, pensez-vous que le pouvoir en place a un bilan à présenter là aussi ?
Alsény Farinta Camara : Tout n’est pas négatif de la part du CNRD, parce qu’il faut être honnête avec soi-même et par rapport à ce qui est en train d’être fait. Le CNRD est dans une dynamique de lancer des projets et inaugurer des infrastructures aux détriment des priorités d’une transition qui consiste à agir de manière à ce que nous retrouvions l’ordre constitutionnel normal. Donc tout n’est pas négatif, il y a des aspects positifs à saluer aussi à encourager pour que les futurs dirigeants qui seront là puissent aussi être inspirés de cela et poser les actes positifs envers le pays.
Laguinee.info : Nous remarquons que le CNRD se fait porter le chapeau des infrastructures dont les premières pierres ont été déjà posées. Qu’est-ce que vous pensez de cela ?
Alsény Farinta Camara : C’est tout comme Alpha Condé. L’administration est une continuité. C’est vrai que nous déplorons qu’il n’y a aucune forme de transparence, de recevabilité liées à ces réalisations. Ils ne font que faire des réalisations par ci, par là, à coût de milliards, des marchés de gré à gré…, ce qui est regrettable. Nous pensons que cette méthode de gouvernance est vraiment du moyen âge, elle doit absolument changer pour faire en sorte que la réédition des comptes soit le sacerdoce de nos dirigeants. Donc ce que le CNRD a fait en terme d’infrastructures ou ce qu’il est en train de faire, il y a du positif, il y a du négatif. La priorité d’une transition ce n’est pas la construction ou l’inauguration des infrastructures publiques. C’est créer les conditions idoines pour un retour à l’ordre constitutionnel, pour que nous puissions retrouver l’ordre normal afin que le peuple sorte de cette précarité.
Laguinee.info : Le 5 septembre prochain, est-ce que le CNRD doit consacrer ce jour à une fête ou à rendre hommage aux personnes qui sont tombées ?
Alsény Farinta Camara : Le 5 septembre ne devait pas être une journée de fête. C’est une journée de prière, de recueillement aux victimes et surtout à toutes les victimes de la barbarie des forces de l’ordre et de sécurité. C’est vraiment regrettable que le CNRD, le gouvernement, et tous les organes de la transition se lancent dans cette dynamique sur toute l’étendue du territoire pour fêter le 5 septembre alors qu’on a des dossiers en justice, on a des personnes qui ont été blessées et qui ont perdu leurs membres à vie et qui attendent toujours pour que justice soit faite, mais absolument rien, aucun signe allant dans ce sens. Et nous, nous pensons que la fête du 5 septembre est quelque chose d’inadmissible, d’inacceptable. Donc nous rejettons en bloc cette fête. C’est pourquoi d’ailleurs nous organisons avec les Forces Vives de Guinée, une manifestation pacifique pour exprimer à nouveau notre ras-le-bol pour la conduite unilatérale, parce que pour nous, il faut recadrer la transition, il faut pour qu’elle soit dans l’intérêt de la Guinée.
Interview réalisée par Sirani Diabaté pour Laguinee.info