Après la mise en place de la Cour de Répression des Infractions Économiques et Financières (CRIEF) par les autorités, des cas de détournement par des cadres des établissements publics commencent déjà à tomber en Guinée. Sur le rôle et l’importance de cette nouvelle structure, un acteur de la société civile a exprimé son point de vue lors d’une interview qu’il a accordé à un journaliste de Laguinee.info hier lundi, 24 janvier 2022. Il s’agit d’Alseny Farinta Camara, chargé des programmes de la Plateforme Nationale des Citoyens Unis pour le Développement (PCUD). Monsieur Camara a surtout exprimé les attentes de la société civile de la Cour de répression des Infractions Économiques et Financières (CRIEF)
Décryptage !
Laguinee.info : quel est le regard de la Société Civile Guinéenne sur le rôle de la CRIEF qui vient d’être mise en place par le président de la transition ?
Alseny Farinta Camara : nous pensons qu’à la suite d’une ordonnance rendue publique le 02 décembre 2021, le Président de la Transition, Colonel Doumbouya a créé une Cour de Répression des Infractions Économiques et Financières (CRIEF). Il a pris cette décision pour certainement moraliser la gestion publique. Cette ordonnance indique que la CRIEF est une justice pénale, au premier et au deuxième degré, qui a pour vocation de connaître des infractions économiques et financières notamment les détournements des deniers publics, ces infractions égales ou supérieures à un milliard de francs guinéens sont de la compétence de la CRIEF. Bref, elle va également traiter des questions sur la corruption, sur le blanchiment de capitaux, des infractions concernant le droit des affaires, etc.
Laguinee.info : nous venons d’assister à l’installation officielle des membres de la CRIEF dans leurs fonctions. Quels commentaires avez-vous à ce sujet ?
Alseny Farinta Camara : écoutez, nous, nous pensons que l’installation des membres de la CRIEF est une très bonne chose puisqu’elle va sûrement moraliser la vie publique. Nous pensons qu’elle doit en toute impartialité traquer tous ceux qui ont agenouillé notre nation durant ces dernières décennies. Il y a eu des guinéens qui ont pillé notre patrie de manière illégale surtout entre 2010 et 2021. À titre d’exemple, lors de la cérémonie d’installation des membres de la CRIEF le vendredi dernier, le Premier ministre a révélé que « Ce pays est riche. Il a produit l’année dernière 4 milliards de dollars de chiffres d’affaires dans la bauxite. Ce pays est riche. Il a fait près de 2 milliards de recettes ». Ces montants n’ont eu aucun effet positif sur le niveau de vie du guinéen lambda. C’est très écœurant ! Il y a eu des groupuscules d’individus qui se sont accaparés des richesses de la nation au détriment des citoyens Guinéens. C’est inadmissible, inconcevable et inacceptable. Nous pensons que ceux ou celles qui étaient aux affaires durant ces dernières décennies doivent impérativement nous rendre des comptes.
Laguinee.info : qu’est ce que la Société Civile Guinéenne peut s’attendre de la CRIEF ?
Alseny Farinta Camara : nous attendons à ce que la Cour de répression des infractions économiques et financières (CRIEF) soit impartiale, équitable et professionnelle dans l’exercice de sa noble mission. Il ne faut pas qu’elle se livre à des règlements de compte ou de vengeance comme les régimes précédents. C’est vrai qu’il y a eu des vols, des pillages, des détournements de derniers publics, des blanchiments de capitaux, des enrichissements illicites, etc. Elle ne doit pas ignorer l’engagement du Colonel Mamadi Doumbouya que « la justice sera désormais la boussole qui va orienter chaque citoyen dans ce pays ».
Laguinee.info : qu’est ce qu’il faut pour qu’elle mène bien son travail en toute transparence ?
Alseny Farinta Camara : écoutez, pour que la CRIEF mène son travail en toute transparence, il faut absolument que les nouvelles autorités et toutes autres personnes détentrices d’une portion d’influence se fassent violence pour ne pas instrumentaliser ou manipuler la CRIEF à des fins égoïstes. Les magistrats qui y siègent doivent résister à toutes sortes d’instrumentalisation des dossiers. Nous sommes un pays de résistants. Il faut que nos magistrats résistent à la tentation pour le bien-être des citoyens Guinéens.
Laguinee.info : déjà des chiffres commencent à tomber sur le détournement de biens publics, que suggérez-vous à la CRIEF face à cette situation ? Est-ce qu’elle ira jusqu’au bout en cette période exceptionnelle ?
Alseny Farinta Camara : comme je viens de vous le dire, la CRIEF doit absolument être impartiale, équitable et professionnelle pour réussir sa mission. Il est tout à fait normal qu’en démocratie, ceux ou celles qui ont géré les affaires publiques rendent compte de leur gestion. Pour le moment, puisqu’on ne connaît pas la durée de la transition, nous ne pouvons ni affirmer, ni infirmer si elle ira jusqu’au bout pendant cette période exceptionnelle. Nous souhaitons qu’elle aille jusqu’au bout pour que la nouvelle génération sache ce qui sais passer dans la gestion récente de notre pays en mettant l’accent au retour rapide à l’ordre constitutionnel. Il faut que les guinéens à tous les niveaux comprennent que les biens publics sont sacrés.
Interview réalisée par Ibra BARRY pour Laguinee.info