vendredi, novembre 22, 2024
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Les défis de la nouvelle ministre des Télécoms, les échecs du régime déchu sur le secteur, ses propositions de solutions : Mamadi Kaba dit tout 

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Mamadi Kaba est un consultant en télécommunications et Technologies de l’Information et de la Communication (TIC). Au cours d’un entretien qu’il a accordé ce mardi 09 Novembre à un journaliste de Laguinee.info, ce spécialiste en télécommunications est revenu sur les échecs du régime déchu dans le secteur. Mamadi Kaba a également abordé les défis qui attendent la nouvelle ministre des Postes, Télécommunications et l’Économie numérique. Par ailleurs, il a aussi proposé des pistes de solutions pour permettre à Amina Kaba de relever les nombreux défis sur le secteur des télécommunications pendant cette période de transition.

Laguinee.info vous propose l’intégralité de cette interview ! 

Laguinee.info : quelle est votre réaction suite à la nomination de madame Aminata Kaba comme ministre  des Postes, Télécommunications et l’Économie numérique ? 

Mamadi Kaba : sa nomination est salutaire, parce qu’elle a évolué dans le secteur pendant plus de dix ans. Elle a un bagage intellectuel qui mérite qu’elle soit à la tête du département. Donc, on va la voir à l’épreuve et après juger en fonction de ça.

Laguinee.info : en tant que spécialiste du secteur, quels sont selon vous les défis qui l’attendent dans ce département stratégique ? 

Mamadi Kaba, consultant en télécommunications et Technologies de l’Information et de la Communication (TIC)

Mamadi Kaba : il faut comprendre qu’il y a un défi global qui attend le gouvernement de monsieur Beavogui, c’est la refondation des piliers de l’Etat, parce que pendant plus de dix ans, l’Etat n’a pas existé en Guinée. Donc, il y a un défi global. Mais, parallèlement le défi qui l’attend, c’est la réformation et la restructuration du secteur de la télécommunication. Étant dans une période exceptionnelle, elle ne peut pas entreprendre de grands chantiers des télécommunications. Elle doit d’abord corriger les échecs du régime passé. Pour cela, il va falloir qu’elle fasse des audits techniques sur l’ensemble du secteur, notamment sur les investissements, sur l’octroi des licences, parce qu’en Guinée c’est qu’on ne fait jamais des études quand on se lance dans une nouvelle technologie. Par exemple, la 3G est venu, il n’y a jamais eu d’étude d’impact pour voir, qu’est-ce que la 3G a apporté à l’Etat guinéen, qu’est-ce que la 3G a apporté à la population, qu’est-ce que la 3G a amené comme valeur ajoutée. La technologie a été octroyée et après l’octroi de la technologie, il n’y a eu rien. Au niveau de 3G+, la même chose. Aujourd’hui, la 4G est arrivée, les gens se demandent la différence entre la 3G et la 4G, parce que l’utilisateur ne voit pas de valeur ajoutée. Alors pour cela qu’est-ce qui n’a pas marché ? C’est un travail qui doit être fait par la nouvelle ministre. Il va falloir qu’elle fasse déjà une étude d’impact de la 4G. L’autre défi, elle doit catégoriquement restructurer le secteur. Aujourd’hui, nous avons à la tête certaines personnes qui ne sont pas forcément venues grâce à leurs compétences, mais grâce à leurs liens de parenté avec le régime passé. Surtout la structure organique du secteur, c’est-à-dire qu’aujourd’hui il y a plusieurs agences au sein du ministère des télécommunications, on se demande qu’est-ce que ces agences font. Il n’y a aucun impact. Donc, ce sont des agences qui gonflent le budget du ministère pour rien. Il faut à mon avis qu’elle unifie ces agences. Faire aussi la restructuration du secteur en touchant les ressources humaines. Il faut prôner la méritocratie au sein du secteur. Il faut sortir du copinage.

Laguinee.info : face à tous ces défis, lequel doit être sa priorité à votre avis ? 

Mamadi Kaba : La priorité aujourd’hui, c’est la restructuration du secteur, parce que si vous voyez en dix ans il y a eu plus de 300 millions de dollars qui ont été investis par l’Etat dans le secteur des télécommunications. Pourquoi il n’y a pas d’impact considérable ? C’est parce que quelque part ça ne va pas. Donc, la priorité c’est la restructuration, parce que pour moi l’échec fût humain. Les gens n’ont pas fait leur travail. C’est-à-dire que l’Etat a pris des dettes, chose qui est normale pour pouvoir améliorer le secteur et faire de la dématérialisation au niveau de l’administration publique;mais, il n’y a pas eu d’impact. L’argent a été débloqué, mais ceux qui étaient censés réaliser ces projets n’ont pas fait leur travail. Donc, pour moi, si elle ne restructure pas aujourd’hui le secteur des télécommunications, tout ce qu’elle fera ou entreprendra comme projets, sera probablement voué à l’échec.

Laguinee.info : selon vous, où est-ce que le régime déchu a échoué dans le domaine des télécommunications ? 

Mamadi Kaba : L’échec est déjà visible. Il est non seulement au niveau des investissements, il est aussi au niveau du recouvrement des recettes. Vous imaginez qu’on a à peu près 7 000 milliards de chiffres d’affaires sur le secteur de la télécommunication, mais l’Etat peine à avoir 1000 milliards dans ses caisses. Je crois qu’en 2020, on était dans l’ordre de 700 milliards. L’Etat n’a pas pu avoir plus de 10% de chiffres d’affaires mobilisés. Donc, ça c’est un échec. Pourquoi l’Etat n’arrive pas à recouvrir assez de recettes ? Ce fut un échec depuis des dizaines d’années. La ministre peut mettre les bases pour permettre à l’Etat d’améliorer conséquemment ses recettes dans le domaine des télécommunications, c’est possible. Elle peut déjà commencer à recouvrir deux fois plus à ce que le régime Alpha Condé n’a pas pu faire. Cela est possible;mais, il faut toucher à la réglementation, il faut lutter contre la corruption et tout ce qui est malversation financière dans le secteur. En faisant cela, elle pourra vraiment améliorer les recettes actuelles.

Laguinee.info : aujourd’hui, trois opérateurs téléphoniques opèrent en Guinée. Quelles solutions avez-vous à proposer à la ministre pour l’amélioration de la qualité avec un coût plus ou moins abordable pour la population ? 

Mamadi Kaba : au niveau de la qualité des services, franchement c’est l’Etat qui doit faire son travail, parce que la licence est octroyée avec un cahier des charges où il y a les obligations de l’opérateur vis-à-vis de l’Etat et vis-à-vis des consommateurs. Donc, il y a des niveaux de fréquence que chaque opérateur doit fournir en fonction de sa licence. Si l’opérateur n’arrive pas à s’acquitter de ses obligations du cahier des charges vis-à-vis des consommateurs, qu’est-ce que l’Etat doit faire ? C’est de faire un audit pour savoir pourquoi l’opérateur n’arrive pas à s’acquitter de ses obligations. Mais, l’Etat ne fait presque pas d’audit, ou bien quand il fait mais les rapports ne sont jamais rendus de façon officielle. Des actions ne sont jamais prises contre les fautifs vis-à-vis de leur cahier des charges. C’est cela le problème aujourd’hui. Si on veut jouer sur la qualité du service, il faut punir. S’il faut mettre en place des pénalités contre les opérateurs qui n’arrivent pas à être à la hauteur de leur QOS qui est l’une des obligations dans le cahier des charges. Au niveau de la facturation, vous savez que la facturation peut être impactée souvent de façon très naturelle, c’est-à-dire qu’il faut de la concurrence. A ce jour, on a trois opérateurs, mais le secteur est carrément dompté par un seul opérateur. C’est-à-dire qu’il y a un seul opérateur qui fait aujourd’hui la loi dans le secteur. Donc, pour corriger cela, il faut de la concurrence. Il faut faire en sorte que dans notre réglementation qu’il y ait un peu plus d’équilibre.

Laguinee.info : quel est votre lecture sur le fait que l’Etat guinéen lui-même n’a pas un opérateur téléphonique ? 

Mamadi Kaba, consultant en télécommunications et Technologies de l’Information et de la Communication (TIC)

Mamadi Kaba : comme vous le savez, la SOTELGUI est entrée en liquidation, parce qu’il y avait des problèmes financiers. Maintenant l’Etat a eu à contacter une dette de 50 millions de dollars pour pouvoir relancer la SOTELGUI. Juridiquement, il y a la société Guinée Télécom qui a pris toutes les actifs et les passifs de la SOTELGUI. Donc, l’Etat a investi de l’argent, mais malheureusement la mauvaise gestion des cadres qui sont à la tête des différentes instances des télécommunications a fait que Guinée Télécom n’a pas pu être lancé. Sinon il y a eu des infrastructures, en plus la 4G qui devait être lancée avant même l’octroi de la licence 4G à Orange. Mais, de par la mauvaise gestion, de par cette carence de stratégie, cette société n’a toujours pas vu le jour. Donc, c’est pourquoi je dis qu’elle doit vraiment travailler sur la structuration et la ressource humaine dans le secteur des télécommunications. La ressource humaine doit être carrément toiletter. Je souhaite bonne chance à la nouvelle ministre et surtout beaucoup de courage.

Entretien réalisé par Abdourahmane Diallo pour Laguinee.info

 

 

 

 

 

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