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Création de la DGE : Me Mohamed Traoré dénonce une « administration publique politisée » et un « scénario cousu de fil blanc »

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La création de la Direction Générale des Élections (DGE) par décret présidentiel, annoncée le 14 juin 2025 à la télévision nationale, continue de susciter des réactions critiques au sein de la classe politique, des organisations de la société civile et des professionnels du droit. Dernière en date : celle de Me Mohamed Traoré, avocat au barreau de Guinée et ancien bâtonnier, qui a publié une analyse tranchante sur son compte Facebook ce dimanche.

Pour l’ancien bâtonnier, la composition et la tutelle de la DGE posent d’entrée un problème structurel grave : la dépendance vis-à-vis du pouvoir. « De la base au sommet, une administration publique totalement politisée et partisane, des administrateurs qui organisent ou participent aux manifestations de soutien à la candidature du Président de la Transition et se comportent comme des militants d’un parti politique, cela pose déjà un véritable problème en terme de sincérité et de crédibilité des prochaines élections », écrit-il, avant d’ajouter : « Si, en plus de cela, c’est une direction placée sous l’autorité du ministre en charge de l’Administration du Territoire, qui aura pour mission d’organiser ces élections, on peut dire que la boucle est en passe d’être totalement et définitivement bouclée. Ce serait simplement la consécration de la règle juge et partie. »

Le décret de création précise que la DGE est une structure dotée d’une autonomie financière, dirigée par un directeur général et un directeur général adjoint, tous deux nommés par décret présidentiel, et placée sous la tutelle du ministère de l’Administration du Territoire et de la Décentralisation. Cette tutelle est précisément ce que conteste Me Traoré, qui estime qu’elle enterre tout espoir d’impartialité dans l’organisation des futurs scrutins.

Dans sa publication, il rappelle également qu’une autre voie était envisagée lors de la rédaction de l’avant-projet de Constitution, désormais visiblement abandonnée : « Pour éviter cette situation, l’avant-projet de constitution prévoyait, parmi les institutions d’appui à la gouvernance démocratique, un organe technique indépendant en charge de la gestion des élections. On ne sait pas ce qu’il en est aujourd’hui dans le projet de constitution qui sera soumis au référendum. Le parlement de transition pensait pouvoir apporter ainsi une réponse à cette question cruciale de l’organisation des élections en Guinée. »

L’homme de droit pousse plus loin la critique, en établissant une comparaison avec le Sénégal, souvent cité comme modèle démocratique en Afrique de l’Ouest. « En effet, la Guinée n’est pas le Sénégal où les élections sont organisées par le ministre en charge de l’Intérieur sans qu’il n’y ait le moindre doute au sujet de leur sincérité », écrit-il, soulignant implicitement le déficit de confiance qui entoure les autorités de la transition guinéenne.

Dans une ironie amère, Me Mohamed Traoré évoque une alternative qu’il juge moins hypocrite : renoncer purement et simplement à organiser des élections. « À cette allure, il vaudrait mieux faire comme le Mali et le Niger en se passant d’élections qui vont coûter de l’argent pour des résultats connus à l’avance. Il suffirait, pour cela, de réunir des forces vives de la Nation qui vont, au terme de leurs assises, recommander un mandat de 5 à 7 ans renouvelable pour le Président de la Transition. On aurait ainsi fait l’économie d’élections qui, dans tous les cas, aboutiraient immanquablement à un scénario qui se met en place depuis un certain temps déjà. »

Une critique sévère qui rejoint celle de plusieurs acteurs politiques de l’opposition, dont certains dénoncent depuis des mois un agenda caché visant à maintenir la junte au pouvoir au-delà des délais raisonnables. Pour Me Traoré, les jeux semblent faits : « Par ailleurs, dans le contexte et les conditions actuels, on peut bien se demander quel est le parti politique qui prendrait part à une élection si ce n’est pas dans le but de valider et surtout de légitimer un processus qui a toujours manqué d’inclusion. »

En guise de conclusion, l’ancien bâtonnier, résigné mais lucide, note : « Dans tous les cas, ces rappels et observations ne servent plus à grand-chose apparemment. Le train est lancé et rien ne semble pouvoir l’arrêter. »

Dans un climat politique tendu et face à une transition dont la gestion commence à inquiéter jusqu’aux plus modérés, la sortie de Me Mohamed Traoré vient nourrir un débat crucial sur la crédibilité du futur processus électoral en Guinée. Reste à savoir si elle sera entendue… ou ignorée, comme tant d’autres avertissements lancés ces derniers mois.

 

Laguinee.info

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