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Crise de liquidité en Guinée : Quand l’argent ne circule plus, c’est toute la nation qui s’essouffle

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Depuis plusieurs jours, un constat amer s’impose à tous les Guinéens : l’argent liquide se fait rare, voire introuvable. Dans les banques, les files d’attente s’allongent ; les guichets automatiques sont souvent à sec ; les commerçants, les transporteurs, les ménages et même certaines administrations n’arrivent plus à faire circuler de l’argent. Une véritable crise de liquidité est en train de s’installer dans notre pays, silencieuse mais dangereuse, car elle touche le cœur de l’activité économique : la confiance et la fluidité des échanges.

Un malaise palpable dans la rue comme dans les banques

La scène est devenue familière. À Conakry comme à l’intérieur du pays, de nombreuses personnes font la queue dès l’aube devant les banques, espérant pouvoir retirer ne serait-ce que 10 000 000 GNF. D’autres passent des jours entiers sans pouvoir accéder à leur propre argent. Des PME n’arrivent plus à payer leurs fournisseurs ni leurs employés. Les marchés se ralentissent, les petites transactions deviennent difficiles. Et les frustrations montent.

Cette situation n’est pas le fruit du hasard. Elle est le résultat d’un enchaînement de facteurs économiques, structurels et psychologiques qui, mis ensemble, bloquent la circulation normale de la monnaie.

Mais c’est quoi, au juste, une crise de liquidité ?

Dans un langage simple, une crise de liquidité, c’est l’incapacité d’un système financier à fournir l’argent nécessaire aux besoins quotidiens de la population et des entreprises. Ce n’est pas que l’argent a disparu, mais il est bloqué quelque part, et ne circule plus comme il devrait.

Une économie fonctionne bien lorsque l’argent passe rapidement de main en main : je paie mon tailleur, qui paie son fournisseur de tissu, qui paie son employé, qui va faire ses courses, etc. Mais si, à un moment donné, l’un de ces maillons n’a plus accès au liquide, tout le système se grippe. Et c’est exactement ce qui est en train d’arriver en Guinée.

Les causes profondes de cette crise

1. Une mauvaise recirculation des billets

Les billets mis en circulation par la Banque centrale ne reviennent pas assez vite dans les banques. Beaucoup de citoyens, par méfiance ou habitude, gardent de grosses sommes d’argent chez eux. Dans un pays où l’informel domine, l’argent circule hors du système bancaire, créant un déséquilibre.

2. Des retraits plus importants que les dépôts

Depuis plusieurs mois, les gens retirent plus qu’ils ne déposent. Cela épuise les stocks de liquidité des banques commerciales, qui se retrouvent incapables de satisfaire la demande. Ce phénomène s’accélère dès que la population sent une instabilité.

3. La peur et la méfiance

Lorsqu’une population doute de la solidité de son système bancaire ou craint une dévaluation de sa monnaie, elle réagit par précaution : elle retire, cache, ou convertit ses avoirs. Et cela aggrave la pénurie.

4. Un système financier encore trop fragile

Le taux de bancarisation reste faible. Beaucoup de Guinéens n’ont pas de compte en banque. Ceux qui en ont s’en méfient. Les systèmes de paiement mobile ne sont pas encore généralisés, et l’accès à l’argent électronique reste limité, surtout en zone rurale.

5. Une Banque centrale peu communicante

La BCRG a un rôle majeur à jouer pour rassurer, réguler et agir. Mais son silence ou son manque de transparence peut semer le doute et l’incompréhension chez les citoyens. Or, en matière monétaire, le silence est parfois plus dangereux que la crise elle-même.

Les conséquences visibles… et invisibles

Ralentissement économique : Si les commerçants ne vendent plus, s’ils ne peuvent pas payer leurs fournisseurs, alors toute la chaîne économique s’arrête ou tourne au ralenti.

Tensions sociales : Les frustrations liées à l’incapacité d’accéder à son propre argent deviennent explosives. Certains Guinéens se sentent abandonnés ou trahis.

Perte de confiance dans les institutions financières : Cette crise risque de renforcer la méfiance envers les banques et l’État, ce qui est dangereux pour l’avenir.

Boom de l’informel : Quand les banques ne fonctionnent pas bien, les circuits parallèles (change informel, prêts entre particuliers, troc) prennent le relais, mais sans garantie, sans contrôle, et souvent avec des abus.

Quelles pistes de solution ?

1. Réinjection urgente de liquidité

La Banque centrale doit immédiatement approvisionner les banques commerciales en billets, en quantité suffisante pour apaiser la tension.

2. Rassurer la population

Une communication claire et régulière de la BCRG et du ministère des Finances est essentielle pour calmer les inquiétudes et expliquer les actions en cours.

3. Renforcer la bancarisation et les paiements numériques

L’État et les banques doivent investir dans des solutions de paiement mobile, simples et accessibles, surtout en zone rurale, pour réduire la dépendance au cash.

4. Encourager le retour des fonds dans le circuit bancaire

Il faut récompenser les dépôts, par des mesures incitatives (par exemple des taux attractifs sur l’épargne), et lutter contre la thésaurisation.

5. Assainir l’économie informelle

À long terme, régulariser les circuits parallèles et encourager les commerçants à ouvrir des comptes bancaires est crucial pour garantir la traçabilité de la monnaie.

L’argent est le sang de l’économie

La crise de liquidité que traverse la Guinée est un signal d’alarme. Elle ne doit pas être traitée comme un simple désagrément passager, mais comme le symptôme d’un mal plus profond. Si l’argent ne circule plus, c’est toute la vie économique et sociale du pays qui se bloque. Il est temps que les décideurs prennent cette crise au sérieux, qu’ils écoutent les cris du peuple et qu’ils agissent avec rapidité, rigueur et transparence.

Car quand le citoyen ne peut plus toucher son argent, ce n’est pas seulement une crise monétaire : c’est une crise de confiance. Et sans confiance, aucune réforme économique ne peut réussir.

 

La Rédaction de Laguinee.info 

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