Parmi les annonces les plus lourdes de sens dans cette phase de transition politique en Guinée, figure sans conteste la création de la Direction Générale des Élections (DGE), désormais chargée d’organiser et de gérer les scrutins dans le pays. Ce changement institutionnel, à première vue technique, soulève pourtant des attentes immenses et des inquiétudes non moins profondes dans un pays traumatisé par une crise de confiance électorale chronique.
Une défiance enracinée?
Pendant plus d’une décennie, la Commission Électorale Nationale Indépendante (CENI), aujourd’hui dissoute, aura symbolisé à elle seule la méfiance populaire envers les mécanismes électoraux. Soupçons de partialité, résultats contestés, gestions opaques du fichier électoral, crises post-électorales à répétition… La CENI, censée garantir la neutralité et l’impartialité du jeu démocratique, s’est progressivement muée en instrument de suspicion, voire de fracture nationale.
C’est donc dans ce contexte miné par la défiance que naît la DGE. Et à ce stade, une question s’impose : la DGE sera-t-elle un simple changement de façade ou une véritable rupture ?
Une institution à bâtir sous les regards croisés
Le décret de création de la DGE annonce une autonomie financière, une digitalisation des processus, une gestion centralisée du fichier électoral biométrique, et même une représentation de la Guinée dans les instances électorales régionales et internationales. Des ambitions nobles. Mais les Guinéens n’en sont plus à se contenter de textes flatteurs. Ils ont appris à lire entre les lignes, à juger sur pièces, et surtout à ne plus croire sur parole.
Ce qui est attendu de cette DGE n’est pas une vitrine, mais une architecture crédible, dotée de personnalités compétentes, intègres et politiquement désintéressées. Une structure capable de dire non à l’ingérence politique, capable de résister à la tentation des arrangements entre « acteurs majeurs », capable de publier des chiffres vérifiables, non négociés dans des salons.
L’urgence de la transparence
La crédibilité d’une élection ne se joue pas uniquement le jour du vote. Elle commence bien avant, dans la transparence de la confection du fichier électoral, l’égal accès aux médias publics, la neutralité des agents électoraux, la sécurisation des résultats, et la rapidité dans la publication des procès-verbaux. Sur tous ces fronts, la DGE est attendue au tournant.
Et elle ne devra pas simplement se contenter de bien faire. Elle devra le montrer, le prouver, le documenter. Dans un pays où les rumeurs et les suspicions voyagent plus vite que les communiqués officiels, la communication proactive, ouverte, participative, ne sera pas un luxe : ce sera une exigence démocratique.
Un test grandeur nature à l’horizon
Le référendum constitutionnel prévu dans les mois à venir sera le premier test grandeur nature de cette nouvelle DGE. Ce scrutin ne pourra pas être une répétition des erreurs passées. Il sera observé, disséqué, et jugé avec sévérité. Le moindre accroc pourrait raviver les vieux démons et nourrir un rejet encore plus violent du système électoral.
Alors oui, cette DGE peut être une chance historique de tourner la page des élections conflictuelles. Mais cette chance n’aura de valeur que si elle se transforme en action rigoureuse, en transparence absolue, en indépendance prouvée, et surtout, en résultats acceptés par tous.
Les Guinéens attendent de la DGE moins de promesses, plus de preuves. Ils n’ont pas besoin d’une énième structure théoriquement indépendante mais pratiquement inféodée. Ils réclament un organe au service du peuple, et non du pouvoir.
Car au fond, une bonne élection n’est pas celle que gagne un parti. C’est celle que tout le monde peut perdre… sans contester.
La rédaction de Laguinee.info