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Lamine Guirassy interdit de presse : le juriste Kalil Camara démonte la décision de la HAC, point par point

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C’est une décision qui fait couler beaucoup d’encre! La Haute Autorité de la Communication (HAC) a annoncé ce mercredi 11 juin l’interdiction faite à Lamine Guirassy d’exercer le métier de journaliste, à la suite d’une publication jugée mensongère sur le réseau social Twitter.

Le message incriminé, posté par le patron d’Hadafo Médias, alertait :

« Alerte séisme à Conakry. Un tremblement de terre de magnitude 7 vient de frapper la zone de Petit Simbaya à Conakry à l’instant T. »

Selon la HAC, cette alerte, infondée, constitue une « fausse nouvelle » de nature à semer la panique. Mais la décision de l’autorité de régulation suscite un vif débat. Le juriste Kalil Camara, spécialiste du droit des médias, parle d’irrégularité manifeste, tant sur la forme que sur le fond.

Absence d’audition : un vice de procédure ?

L’un des premiers points critiqués par Kalil Camara concerne la manière dont la sanction a été prononcée. Selon lui, la HAC a omis une étape essentielle : l’audition préalable de l’intéressé.

« Dans sa décision, nulle part la HAC n’indique qu’il a entendu ou appelé Lamine Guirassy pour l’entendre sur les faits qu’elle lui reproche. Or, il est de principes général du droit que nul ne peut faire l’objet de sanction sans être entendu ou appelé à être entendu. »

Cette omission, selon le juriste, entache la régularité de toute la procédure.

« La HAC aurait dû inviter Lamine Guirassy ou l’appeler pour l’entendre. En prenant la décision d’interdiction d’exercer le métier de journaliste sans entendre ou appeler Lamine Guirassy à être entendu, la HAC a violé un des principes généraux du droit. Nous pouvons ainsi conclure que la procédure est irrégulière. »

Twitter, hors du champ de compétence de la HAC ?

Un autre point soulevé est la compétence même de la HAC à sanctionner un contenu publié sur un réseau social, en l’occurrence Twitter. Pour Kalil Camara, la loi est claire : la régulation de la HAC ne s’applique pas à ce canal.

« Conformément aux lois 02 portant liberté de la presse et 0010 portant attribution, composition, organisation et fonctionnement de la Haute Autorité de la communication, la HAC a pour compétence de contrôler les médias. Entre dans son domaine de compétence, tous les organes de presse écrite, audiovisuelle et en ligne. »

Mais les réseaux sociaux ne figurent pas dans cette liste.

« Les réseaux sociaux notamment Facebook, Twitter n’entrent pas dans le domaine de compétence de la HAC. Or, les faits reprochés à Lamine Guirassy, bien qu’étant journaliste, se sont produits dans les réseaux sociaux et non dans les organes de presse soumis au contrôle et à la compétence de la HAC. »

La qualité de journaliste, estime-t-il, ne suffit pas pour justifier l’intervention de l’autorité : « La qualité de journaliste ne suffit pas pour qu’un fait commis sur Twitter entre dans le champ d’intervention de la HAC. Elle pouvait prendre des sanctions si seulement Lamine Guirassy a passé des fausses informations dans un média, et par extension la HAC pouvait même sanctionner ce média selon les sanctions indiquées à l’article 40 de la loi 02.

Si un journaliste passe des informations sur les réseaux sociaux sans associer un organe de presse, même si elles sont fausses, la HAC ne peut intervenir. »

Des faits pénaux relevant du tribunal, pas de la HAC

Sur le fond, Kalil Camara souligne que les faits reprochés relèvent plutôt de la loi sur la cybersécurité et de la justice ordinaire.

« Conformément aux articles 35 de la loi 037 relative à la cyber-sécurité et 98 et 106 de la loi 02 portant la liberté de la presse, les faits reprochés à Lamine Guirassy constituent des infractions. La répression de ces infractions relèvent de la compétence du Tribunal. »

Il souligne également une incohérence juridique dans la logique de la sanction :

« Supposons que les mêmes faits soient commis par une autre personne qui n’a aucune qualité de journaliste et hors les organes de presse, la HAC ne pourrait pas le sanctionner. De même, ce n’est pas parce que Lamine est journaliste que tous ces faits peuvent être sanctionnés par la HAC. »

Et de préciser :

« Exemple : Lorsque Lamine commet des faits de diffamation sur Twitter, la HAC n’a pas la compétence de le sanctionner. C’est le contraire si c’est commis par voie de presse.

La HAC ne peut sanctionner que des manquements commis via des organes qui entrent dans son domaine de compétence. »

Vers une remise en cause de la régulation ?

L’affaire relance un débat de fond sur les limites des prérogatives de la HAC face aux nouveaux usages numériques. Si la régulation du paysage médiatique est admise, son extension aux publications individuelles sur des plateformes étrangères — hors cadre rédactionnel ou éditorial — pourrait créer un précédent préoccupant, selon plusieurs juristes.

À l’heure où la frontière entre expression personnelle et activité professionnelle journalistique devient floue, ce dossier pourrait ouvrir la voie à un réexamen juridique du rôle et des outils de la HAC à l’ère numérique.

Laguinee.info

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