Le groupe paramilitaire russe Wagner a annoncé vendredi son retrait du Mali, estimant avoir « accompli sa mission ». Une sortie qui, loin de marquer un retrait de la Russie dans la région, ouvre la voie à un autre acteur : l’Africa Corps, force paramilitaire créée avec le soutien du ministère russe de la Défense. Ce dernier assure que Moscou ne fait que renforcer son partenariat sécuritaire avec la junte malienne.
Dans une déclaration publiée sur ses réseaux sociaux, Wagner affirme avoir « repris le contrôle de tous les centres régionaux du pays au profit des autorités maliennes », affirmant avoir repoussé les groupes islamistes armés et éliminé leurs chefs. Le groupe ne précise toutefois pas le sort de ses combattants à leur retour en Russie.
Wagner était présent au Mali depuis 2021, peu après la prise de pouvoir par les militaires à la suite de deux coups d’État successifs en 2020 et 2021. La junte, alors en rupture avec ses partenaires occidentaux, avait exigé le départ des troupes françaises de Barkhane, puis celui des Casques bleus de la MINUSMA. Dans ce vide sécuritaire, Wagner avait étendu son emprise, devenant un pilier de la stratégie militaire du pouvoir de Bamako.
Mais la mort de son fondateur, Evgueni Prigojine, en août 2023 dans des circonstances troubles, a rebattu les cartes. Sous la houlette du Kremlin, l’Africa Corps est né sur les cendres de Wagner, avec pour objectif de maintenir l’influence russe dans le Sahel. Selon des informations recoupées sur plusieurs canaux Telegram fréquentés par des mercenaires, entre 70 et 80 % des membres actuels de l’Africa Corps seraient d’anciens de Wagner, recyclés dans cette nouvelle structure au vernis plus institutionnel.
Dans un message publié vendredi sur sa chaîne Telegram, rapporte africanews.com, l’Africa Corps s’est voulu rassurant : « Le départ de Wagner ne signifie aucun retrait de la Russie. Le contingent russe reste au Mali ». Une déclaration soutenue par le ministère russe de la Défense, qui évoque un soutien « plus fondamental » à Bamako.
Un changement d’uniforme, pas de stratégie
Pour de nombreux observateurs, ce transfert d’acteurs n’est rien d’autre qu’un changement de façade. « La Russie cherche à réorganiser sa présence militaire au Mali en remplaçant Wagner par l’Africa Corps », explique Ulf Laessing, responsable du programme Sahel à la Fondation Konrad Adenauer. « L’engagement russe devrait se poursuivre, mais avec un accent accru sur la formation et l’équipement des forces maliennes, plutôt qu’une implication directe dans les combats contre les groupes djihadistes. »
Un revirement tactique qui survient alors que la situation sécuritaire continue de se détériorer. Ces dernières semaines, une série d’attaques menées par le groupe Jama’a Nusrat ul-Islam wa al-Muslimin (JNIM) a causé la mort de plus de 100 soldats maliens et de plusieurs mercenaires, selon les revendications du groupe armé. Mercredi, un attentat à la bombe visant des soldats maliens et russes a été signalé près de Bamako.
Silence de Bamako, offensive de Moscou
Sollicité, le ministère malien de la Défense n’a pas souhaité commenter ces évolutions. Mais pour Moscou, la priorité semble claire : conserver ses positions dans une région stratégique en pleine reconfiguration. Le départ de Wagner, loin d’annoncer un désengagement, s’inscrit dans une stratégie de pérennisation du partenariat russo-malien, à un moment où les relations de Bamako avec ses voisins et les institutions internationales restent sous tension.
Alors que le drapeau de Wagner s’éclipse, celui de l’Africa Corps prend le relais, porteur d’une même ambition : asseoir durablement l’influence de Moscou au cœur du Sahel. Reste à savoir si ce nouveau visage suffira à contenir les violences, dans un pays où la guerre contre les djihadistes est loin d’être terminée.
Laguinee.info