C’est une onde de choc qui traverse l’ancien régime sénégalais. Amadou Mansour Faye, ancien ministre du Développement communautaire sous Macky Sall et maire de Saint-Louis, a été inculpé puis placé sous mandat de dépôt ce lundi 26 mai par la commission d’instruction de la Haute cour de justice. En ligne de mire : des accusations de corruption, de détournement de deniers publics et de surfacturation dans l’utilisation des fonds destinés à lutter contre la pandémie de Covid-19 selon les informations rapportées par l’AFP.
Bassirou Faye n’est pas un nom parmi d’autres. Il est aussi le beau-frère de l’ancien président, en poste de 2012 à 2024. Avec cette mise en détention, il devient le troisième ex-ministre incarcéré dans cette affaire, et le cinquième membre de l’exécutif à être formellement mis en cause. Une série noire qui illustre la volonté assumée du nouveau pouvoir de solder les comptes du passé.
Des milliards en riz, des soupçons en cascade
Selon un rapport parlementaire cité par notre source, l’enquête vise un surplus de dépenses de 2,7 milliards de francs CFA (environ 4,1 millions d’euros) dans des marchés publics liés à l’achat de riz pendant la crise sanitaire. Amadou Mansour Faye est soupçonné d’avoir joué un rôle central dans ces opérations présumées frauduleuses. Son avocat, Me Amadou Sall, conteste les charges, affirmant que son client « a apporté des preuves de son innocence » et que la demande de libération sous caution a été « refusée sans justification sérieuse ».
Mais la machine judiciaire, elle, avance sans pause. Le 22 mai, Moustapha Diop, ancien ministre du Développement industriel, a été écroué pour détournement. La veille, c’était au tour d’Aïssatou Sophie Gladima, ex-ministre des Mines. Le 20 mai, l’ancien Garde des Sceaux, Ismaïla Madior Fall, a quant à lui été inculpé pour tentative de corruption et assigné à résidence sous bracelet électronique. Seule Salimata Diop Dieng, ex-ministre de la Femme, a obtenu une liberté provisoire après inculpation.
Une juridiction d’exception au service d’un procès d’exception
Tous ces anciens dignitaires sont poursuivis devant la Haute cour de justice, une juridiction spéciale réservée au jugement des membres du gouvernement et du président de la République pour des actes commis dans l’exercice de leurs fonctions. Saisie après le feu vert de l’Assemblée nationale le 8 mai dernier, la commission d’instruction doit désormais décider, au cas par cas, d’un non-lieu ou d’un renvoi pour procès. Aucune possibilité d’appel n’est prévue.
Pour l’Alliance pour la République (APR), le parti de l’ancien président Sall, la justice est aux ordres. Dans un communiqué, l’APR dénonce une « commande politique » exécutée froidement par une justice « scélérate », accusant le pouvoir actuel de transformer l’appareil judiciaire en instrument de règlement de comptes.
Diomaye et Sonko en croisade contre l’impunité
Élu en mars dernier, le nouveau président Bassirou Diomaye Faye et son Premier ministre Ousmane Sonko avaient fait de la lutte contre la corruption et l’impunité une promesse de campagne. L’ouverture rapide de ces procédures, d’une ampleur sans précédent au Sénégal, marque un tournant politique majeur. Le tandem Diomaye–Sonko entend balayer l’ancien système, accusé d’avoir détourné des centaines de milliards de francs CFA entre 2020 et 2021, en pleine crise sanitaire.
Mais à mesure que les mises en examen se succèdent, une question persiste : la justice sénégalaise agit-elle en toute indépendance ou sous influence ? Pour l’heure, la réponse semble suspendue à une série de procès à haute tension, où l’exécutif joue gros, autant sur le fond que sur la forme.
Laguinee.info