Longtemps, le doute a plané comme un nuage noir au-dessus de la décision historique du tribunal criminel de Dixinn. Comment indemniser les victimes des violences du 28 septembre 2009 alors que les condamnés, pour la plupart sans ressources, sont dans l’incapacité de s’acquitter des lourdes sommes fixées par la justice ? Le scepticisme était légitime. Il est désormais balayé.
Le 26 mars dernier, par décret présidentiel, le chef de la transition a tranché : l’État prendra en charge les frais d’indemnisation des victimes. Une annonce forte, mais surtout un signal d’engagement politique en faveur de la justice et de la mémoire collective.
Le verbe s’est transformé en action ce mardi 13 mai, avec le lancement officiel du processus de paiement. La cérémonie, hautement symbolique, s’est tenue dans la salle même où s’est déroulé le procès du massacre du 28 septembre. Un lieu chargé d’émotion, désormais porteur d’un nouveau message : celui de la réparation.
Un montant global de 119,9 milliards de francs guinéens a été alloué par l’État pour compenser les souffrances de 334 victimes reconnues par la justice. Une commission spéciale a été mise sur pied pour assurer la vérification rigoureuse des noms, en fonction du type d’infraction et des barèmes d’indemnisation fixés par le tribunal. À titre d’exemple :
- 1,5 milliard GNF par cas de viol,
- 1 milliard GNF pour chaque victime décédée ou disparue,
- 500 millions GNF pour les cas de pillage,
- 200 millions GNF pour les cas de torture ou de coups et blessures volontaires.
Ces montants, fixés dans la décision rendue le 31 juillet 2024, visaient à faire droit aux victimes, au-delà de la peine infligée aux bourreaux. Huit des accusés ont d’ailleurs écopé de peines allant de 10 ans de prison à la perpétuité.
Avec cette prise en charge par l’État, la Guinée envoie un message clair : les droits des victimes ne sont pas accessoires. Ils sont au cœur du processus de justice transitionnelle.
Certes, l’indemnisation ne remplace ni les vies perdues ni les blessures physiques et morales. Mais elle répare un pan de l’injustice. Pour une fois, en Guinée, la parole de justice ne se dissout pas dans le silence de l’impuissance.
L’Histoire retiendra peut-être que dans ce dossier emblématique, l’État a assumé, sans fuir.
Laguinee.info