Conakry a vibré au rythme de la science et de la technologie pendant plusieurs jours. Ce soir, la Conférence Dounia a refermé ses portes sous la présidence du Premier ministre guinéen, Amadou Oury Bah.
Plus qu’un simple événement, cette première édition aura marqué un tournant décisif : celui d’une Guinée qui ose enfin poser les jalons de sa révolution numérique, en mettant l’intelligence artificielle (IA) au cœur du débat national.
Une mobilisation inédite au sommet de l’État
Dans une salle comble, chercheurs, entrepreneurs, étudiants, hauts cadres de l’administration et partenaires techniques se sont donné rendez-vous autour d’une ambition commune : élaborer les bases d’une stratégie nationale sur les données et l’intelligence artificielle. La présence du chef du gouvernement n’était pas anodine. Amadou Oury Bah a tenu à marquer l’importance qu’accorde son équipe à l’appropriation des enjeux technologiques :
« Le monde change à une vitesse fulgurante. Les décisions mal informées peuvent freiner le progrès d’un pays. C’est pourquoi je suis venu écouter les experts, m’imprégner des connaissances les plus pointues pour mieux orienter nos politiques publiques. »
Dans un pays souvent marqué par la distance entre gouvernance et expertise scientifique, ce message a résonné comme un signal fort.
Fin de l’ère des silos universitaires ?
Mais si l’élan politique est là, c’est aussi sur le front académique que les lignes ont bougé. Le ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche scientifique et de l’Innovation n’a pas mâché ses mots :
« Ceux qui connaissent l’histoire de nos structures savent à quel point elles sont cloisonnées. Chaque université est entourée de barrières, chaque école doctorale est isolée. »
Un aveu sans détour, suivi d’un engagement clair : encourager la mutualisation des compétences et des moyens entre universités, centres de recherche et institutions. La Conférence Dounia aura été, selon ses mots, un catalyseur de cette volonté nouvelle de « travailler ensemble, réfléchir ensemble, écrire ensemble ».
L’heure des choix réglementaires cruciaux
Si la Guinée veut entrer de plain-pied dans l’ère de l’intelligence artificielle, elle ne peut se contenter de discours. C’est le message porté par Rose Pola Pricemou, ministre de l’Économie numérique et des Télécommunications. Son intervention a porté sur un angle encore trop peu exploré : la sécurité des données et l’encadrement juridique.
« Nous devons réfléchir à un cadre réglementaire clair. Qui a accès aux données ? Où sont-elles stockées ? Quelles lois protègent nos informations personnelles ? Le développement de l’intelligence artificielle ne peut se faire sans des garde-fous adaptés. »
La technologie avance, mais l’État doit courir pour combler son retard législatif, au risque de compromettre les droits des citoyens et la souveraineté numérique du pays.
Une organisation qui montre l’exemple
Derrière cette initiative, la Cité des sciences et de l’innovation de Guinée, en collaboration avec l’Académie des sciences, a su orchestrer un événement à la hauteur des ambitions affichées. Ateliers, panels, échanges de haut niveau : la conférence a montré que le savoir-faire existe en Guinée, à condition de lui donner un cadre et des moyens.
Un défi immense, mais une voie désormais tracée
La Conférence Dounia n’est pas une fin, mais un commencement. Il reste à traduire les intentions en actions concrètes : création d’un cadre réglementaire, financement de la recherche, accès aux technologies dans les universités, formation des jeunes aux métiers du numérique, etc.
En refermant ce chapitre, la Guinée en ouvre un autre : celui d’un pays qui ne veut plus subir la technologie, mais la penser, la réglementer et l’utiliser comme levier de développement. Le pari est audacieux. Reste à savoir si la flamme allumée à Dounia résistera à l’usure de l’administration et aux vents parfois contraires de la politique.
IAC, pour Laguinee.info