À Kissidougou, ce ne sont plus les nids-de-poule qui fatiguent les conducteurs, mais les barrages. Des dizaines, parfois à quelques kilomètres d’intervalle, où gendarmes, policiers et pseudo-agents des impôts rackettent ouvertement les usagers. Ici, la loi ne circule plus. L’uniforme est devenu synonyme de menace.
“On m’a demandé 100 000 GNF parce que j’avais deux passagers sur ma moto”, témoigne Mamady, conducteur de mototaxi. “Même quand tous tes papiers sont à jour, ils trouvent toujours quelque chose pour te retenir. Le seul moyen de passer, c’est de payer”, ajoute-t-il, écœuré.
Sur l’axe Kissidougou-Dankaldou, les témoignages se ressemblent. “Chaque jour, je paie entre 5 000 et 20 000 GNF juste pour livrer mes marchandises au marché,” raconte un taxi-motard de Gbandou. “Un jour, un gendarme m’a même dit que si je ne payais pas, je pouvais rentrer à pied.”
Le racket ne connaît ni jour ni nuit. Même les tricycles des jeunes livreurs sont ciblés. “Ils n’en ont rien à faire de la sécurité routière. Ce qui les intéresse, c’est l’argent. Si tu ne donnes pas, ils t’arrêtent, te menacent ou te confisquent les clés,” explique Ibrahima, tricycleur depuis trois ans.
Le pire dans tout ça ? Les autorités savent. Et elles se taisent. Les responsables administratifs, les cadres de la gendarmerie, les élus locaux : tous sont informés. Mais personne ne réagit. Certains seraient même complices, selon plusieurs habitants.
Ce système a un nom : l’impunité organisée. Il détruit la confiance entre citoyens et institutions. Il pousse les jeunes à la colère et les pauvres à la révolte silencieuse. Pendant que l’État parle de réformes, de sécurité et de justice, les routes de Kissidougou parlent, elles, le langage du chantage et de la peur.
Tant que ce système perdurera, aucune route ne mènera au développement.
Laguinee.info