Le procès en appel d’Aliou Bah, président du MoDeL, continue de se dérouler sous haute tension. Au-delà du déploiement sécuritaire et des mesures d’accès drastiques, une décision retient particulièrement l’attention : l’interdiction stricte d’utiliser ou même de détenir un appareil électronique dans la salle d’audience.
Pour le juriste Kalil Camara, cette décision du parquet est juridiquement fondée, bien qu’elle surprenne par sa sévérité soudaine :
« L’utilisation de téléphones, de caméras ou de tout autre appareil d’enregistrement est formellement interdite pendant les audiences. » Une interdiction prévue par la loi, mais rarement respectée, y compris dans des affaires hautement sensibles.
« C’est une interdiction qui a été toujours bafouée, même dans des procès tenant à la dignité des victimes. Jusque-là certains journalistes ne le savaient pas. »
Mais dans le cas Aliou Bah, le ministère public fait preuve d’un zèle inhabituel. Tous les appareils sont confisqués à l’entrée, y compris ceux des journalistes. Une mesure qui, selon Kalil Camara, entre dans les prérogatives du parquet : « On est bien d’accord que c’est une mesure préventive dont dispose le parquet pour éviter la commission d’une infraction. »
Pourtant, cette rigueur soudaine interroge. Pourquoi ce durcissement maintenant, et dans cette affaire en particulier ? Le juriste avance une piste plus politique : « On comprend également que l’enjeu de ce procès est très grand. Le motif du rigorisme dans l’application étrange des articles 399 du code de procédure pénale et 115 et suivants de la loi 002 relative à la liberté de la presse, n’est pas que le respect de la dignité d’une partie, mais la protection des intérêts politiques. »
Aliou Bah est connu pour ses prises de parole sans détour. Son discours lors du procès en première instance avait marqué les esprits, suscitant espoir, indignation et mobilisation dans une partie de l’opinion.
« Vous savez, les discours du président du MoDeL sont convaincants, motivants et même révoltants pour les citoyens épris de justice. Rappelez-vous de ce discours exaltant qu’il a tenu en première instance. Il n’est pas de l’intérêt de certains que de tel discours sorte de l’audience pour le grand public. »
Dès lors, l’objectif devient clair : verrouiller toute possibilité de diffusion.
« Ainsi, il faut déployer tous les dispositifs pour empêcher l’accès de tout appareil permettant d’enregistrer, de filmer ou de transmettre l’image ou la parole. »
Et les médias sont avertis : cette fois, la tolérance zéro est de rigueur. Le parquet n’exclut pas de passer à l’action en cas de non-respect.
« Attention aux médias, le parquet serait prêt à vous poursuivre pour une première fois en cas de violation de l’objet visé par son extrême sévérité à cette audience. »
Entre légalité et stratégie, le procès Aliou Bah révèle un usage particulier du droit, à la croisée de la justice et du politique. La loi est bien là, mais son application, elle, n’est jamais neutre.
Laguinee.info