En Guinée Conakry, les scandales financiers se suivent et se ressemblent presque tous. Après les Douanes et les Impôts, une enquête exclusive conduite par une équipe restreinte de journalistes locaux a attiré la rédaction de Confidentiel Afrique de se procurer des documents top-secrets en exclusivité sur ce que l’on pourrait surnommer le » Madoff guinéen ». Véritable capharnaüm aux odeurs nauséabondes, l’enquête révèle les dessous d’un trafic de devises au cœur de la Banque centrale de la République de Guinée (BCRG). A ce jour, nous avons retracé le chemin, vers Dubaï, de près de 90 millions de dollars américains qui ont été soustraits des caisses de la BCRG dans un système complexe de vente et d’achat de devises via des banques commerciales opérant sur la place financière de Conakry. Enquête
Un Madoff guinéen sur orbite
Sur le marché des changes de devises, il se passe bien de combines de délits d’initiés. Mais l’histoire que vous allez découvrir dans les lignes ci-après, est digne d’un scénario hollywoodien à la Madoff ou si vous préférez celui d’un Carlos Ghosn.
Tous les ingrédients y sont. Un pays sous la coupe d’une junte militaire à la main de fer et qui régente le système financier et économique. Un pays, longtemps spolié des ressources de son sous-sol. Au fil des investigations menées par un consortuim de journalistes locaux, l’on s’aperçoit du pillage bien huilé et organisé par des hommes d’affaires véreux en complicité avec des banques bien établies et qui ont pignon sur rue à Conakry quant à leur respectabilité.
Confidentiel Afrique en possession du rapport d’enquête explosive, fruit de plusieurs mois de recoupements munitieux, révèle le fil rouge d’une stratégie de prédation institutionnelle orchestrée au cœur de la Banque Centrale de la République de Guinée qui éclabousse une série de détournements de réserves en devises. L’équipe d’enquêteurs est composée de journalistes locaux bien connus à Conakry qui ont reçu l’appui très estimé d’un militant de la société civile ayant fait front contre le 3eme mandat d’Alpha Condé, renversé par un coup d’État en 2021.
Une sombre réalité émerge au cœur des institutions financières guinéennes. Le « pillage » en série, entretenu par de hauts cadres de la BCRG Pour tout dire, c’est un délit d’initié monté de main de maître et impliquant des entreprises d’exploitation d’or (Siramamba Mining et Hypro Mining), des banques (Coris Bank international Guinée, la filiale guinéenne de Nsia Banque de l’homme d’affaires ivoirien Jean Kacou et la banque populaire maroco-guinéenne) et plusieurs hommes d’affaires dont le « sulfureux » Tidiane Koita, Président de l’Union nationale des orpailleurs de Guinée.
Des pièces confidentielles que nous avons reçues de sources autorisées démêlent l’écheveau. Tout commence le 26 février 2024 avec deux offres de vente de 4 tonnes d’or à la Banque Centrale de la République de Guinée, l’une émanant de Siramamba Mining et l’autre de Hypro Mining, deux sociétés anonymes à responsabilité limitée bien connues sur la place guinéenne. Ce qui frappe dans ces courriers, c’est leur caractère identique mot pour mot jusqu’à la virgule.
Dans l’offre de vente de 4 Tonnes d’or à la BCRG, s’adressant à Monsieur le Gouverneur de la BCRG, on lit ceci : “Je viens très respectueusement auprès de votre personnalité vous adresser une offre de vente de 4 tonnes d’Or brut dont les puretés sont: pour les 2 premières tonnes 20,00 et les 2 autres tonnes 23,40 carat qui seront créditées à Conakry dans le Laboratoire des Matières Précieuses dans les locaux de la BCRG avec un premium qui sera discuté avec les autorités. Nous vous proposons un paiement de 100% en GNF”
La Banque Centrale de Guinée porte bien à l’évidence la poisse. Un scandale l’avait secouée au sujet d’importantes quantités d’or manquant à l’appel. Un long fleuve pas si tranquille qui l’expose au devant de la scène de la finance internationale.
Sur l’avenue huppée de la République à Kaloum, Karamo Kaba, le tout puissant patron de la BCRG, peut observer la longue file de véhicules de luxe qui klaxonnent à vous fendre le tympan. Les deux courriers sur son bureau qui mentionnent que le payement sera fait en 100% en franc guinéen (GNF) attirent toute son attention. Il n’entend plus rien. Ni le klaxon fou des véhicules ni le brouhaha de la rue bondée de ces guinéennes et guinéens qui tirent le diable par la queue.
Si, comme nous le dit un ancien banquier, ce type de transaction est courante, “elle doit s’appuyer absolument sur un contrat qui définit les contours de l’opération”, précise notre source qui, il faut le préciser a passé l’essentiel de sa carrière dans l’audit interne, donc très alerte sur ce qu’il n’hésite pas à qualifié de « grande nébuleuse ».
Le 3 avril 2023, le directeur général (Tété K. TETE BENISSAN) et le directeur général adjoint (Vakantié DOUMBIA) de Coris Bank International Guinée ordonnent au Gouverneur de la Banque Centrale de la République de Guinée-BCRG le paiement en Contre-valeur au fixing USD/GNF du jour de USD huit-cent quatre-vingt-cinq mille sept-cent trente-neuf dollars et quatre-vingt-dix-huit centimes (7 885 739,98 millions de dollars ) par le débit de leur compte Francs Guinéens (GNF) n°2111000589 ouvert dans les livres de la BCRG au motif d’achat de USD 7 885 739,98 avec la BCRG pour un virement à l’étranger dans le cadre des activités d’orpaillage. Un deuxième ordre mentionne un montant de de 4.404.227,30 USD toujours au profit de ETS SOSIM.
Le lendemain 4 avril 2025, la Banque populaire maroco-guinéenne, demande elle aussi un transfert de 18.114.079,52 USD au profit de MAF GOLD TRADING (Ordre signé par M. Kourouma Ibrahima et M. El Mostafa Fahraoui) et NSIA Banque un montant de 29.933.021,41 USD au profit de ETS SOSIM (Ordre signé par Mme Christelle ZONGO).
En seulement deux petits jours, par un simple jeu d’écriture, c’est la somme astronomique de 89.879.658,90 dollars américains qui sont transférés Dubaï, transitant par les réseaux du sulfureux Tidiane Koita, Président de l’Union nationale des orpailleurs de Guinée,
Nous voila donc au cœur d’un scandale autour des précieuses réserves en devises de la Guinée qui ont été méthodiquement aspirées vers l’étranger. Nous dévoilons, avec des documents les méthodes concrètes par lesquelles des cadres de banque ont été mis dans une spirale de transaction financière de plusieurs dizaines de millions de dollars US.
L’objectif officiel affiché par la Banque Centrale de la République de Guinée (BCRG) lors de ses opérations d’achat d’or est honorable : renforcer les réserves en devises étrangères, en particulier le dollar américain (USD), pilier de toute économie stable. Pourtant, ce qui se déroule dans l’ombre des bureaux de la BCRG défie toute rationalité économique et s’apparente à un « sabotage délibéré » de la souveraineté financière du pays.
La technique de siphonnage des devises, loin d’être une simple formalité administrative, constitue la pierre angulaire d’un mécanisme sophistiqué de captation illégale de devises étrangères, orchestré avec une précision chirurgicale depuis les plus hautes sphères de l’institution monétaire de la Guinée jusqu’au sommet de l’exécutif.
La mécanique est implacable : une fois les francs guinéens encaissés par les sociétés de M. Koita, le Gouverneur de la BCRG lui-même donne l’ordre aux banques commerciales de transférer des sommes colossales en dollars américains… directement vers Dubaï, sur des comptes appartenant au même M. Koita ou à des entités qui lui sont étroitement liées.
Au lieu d’attirer des devises étrangères vers la Guinée- la raison affichée de l’achat d’or-, la BCRG opère un mouvement inverse, vidant les coffres de l’État de ses précieuses réserves en dollars. Ce renversement de logique, aussi absurde que destructeur, constitue une violation flagrante non seulement des principes fondamentaux de la politique monétaire, mais également des clauses contractuelles signées avec M. Koita. Les devises étaient censées transiter de Dubaï vers Conakry, et non l’inverse.
Réseau de prédateurs financiers bien huilé et protégé
Selon des sources proches du dossier, M. Koita bénéficierait d’un accès privilégié et suspect au marché des devises. Il aurait la possibilité d’acheter des dollars américains auprès des banques commerciales au taux officiel de 8 615 GNF, pour les revendre quasi-immédiatement sur le marché noir à un taux avoisinant les 9 300 GNF. Le résultat de cette opération est un bénéfice net de plus de 700 GNF par dollar, réalisé sans aucune prise de risque, sans aucune contrepartie économique tangible pour le pays et sans le moindre contrôle apparent.
En multipliant ce gain par les dizaines de millions de dollars transférés, on obtient une véritable hémorragie financière pour la Guinée, habilement dissimulée derrière le vernis d’une opération monétaire légitime.
Dans un pays où l’inflation ronge le pouvoir d’achat des ménages, où l’accès aux devises étrangères est drastiquement restreint pour les acteurs économiques légaux, et où les entreprises peinent à se développer faute de liquidités, une telle fuite organisée des maigres ressources nationales constitue un crime économique d’une ampleur considérable rarement orchestré dans la gouvernance publique en Guinée.
Manoeuvres et zones d’ombre entourent DubaiGate
qui frisebt Les questions qui brûlent désormais les lèvres sont multiples et exigent des réponses claires et transparentes : qui protège un tel système de prédation au sein des institutions guinéennes ? Jusqu’où s’étend la chaîne de complicité au sommet de l’État guinéen? Et surtout, qui assumera un jour le coût politique, économique et historique de ce pillage organisé de la Banque centrale de la République de Guinée ? A quoi servent les textes instituant l’achat par la Banque Centrale de l’or produit par les sociétés habilitées à cet effet? Les autorisations de change ont-elles été établies et délivrées en bonne et due forme (signataires habilités, respect des seuils des montants, documents obligatoires…). Enfin, on est tout à fait en droit de demander si l’or en question est physiquement à la disposition de la Banque Centrale de la République de Guinée ? Selon des informations exclusives obtenues par Confidentiel Afrique, cette affaire agace le palais de Conakry, au point de pousser le président Mamadi Doumbouya à convier une réunion de crise mardi prochain où le ministre des Finances, le Gouverneur de la Banque Centrale
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