La Fondation Mo Ibrahim pensait faire un sans-faute en annonçant, le 8 avril, l’arrivée de nouveaux membres prestigieux dans son Conseil et son Comité du Prix pour le leadership africain. Mais la pilule ne passe pas. Et au Sénégal, elle est restée en travers de la gorge du monde académique.
Car parmi les nouveaux « sages », figure un nom qui divise profondément : Macky Sall. L’ancien président sénégalais, dont le second mandat s’est soldé par une grave crise démocratique, rejoint ainsi l’élite censée incarner l’éthique en politique. Trois jours plus tard, la réponse fuse. Soixante-quatre intellectuels sénégalais montent au créneau dans une tribune au vitriol, et demandent à la Fondation de revenir sur sa décision.
Une prise de parole rare, directe, sans ambiguïté. Et surtout, une colère froide mais légitime.
L’université refuse de se taire
« La cooptation de Macky Sall est choquante », écrivent-ils. Pour ces professeurs, chercheurs et penseurs, cette nomination revient à récompenser un pouvoir qui a méthodiquement réprimé la liberté d’expression, brimé l’opposition, et tenté de tordre le calendrier électoral à son avantage. Un acte grave, qui a valu au Sénégal une crise institutionnelle sans précédent, stoppée in extremis par le Conseil constitutionnel.
Parmi les signataires, Oumar Dia, maître de conférences à l’Université Cheikh Anta Diop, résume l’indignation :
« C’est une prime à la dérive dictatoriale. Une récompense pour la remise en cause du fonctionnement démocratique. Une absurdité totale quand on connaît les principes que la Fondation prétend défendre. »
Une réaction collective, symbolique, et inédite
Ce n’est pas seulement Macky Sall que les intellectuels interpellent. C’est aussi, et surtout, la Fondation Mo Ibrahim elle-même. Car en intégrant à son comité un dirigeant accusé de dérives autoritaires, elle envoie un signal brouillé, dangereux : celui que la démocratie est secondaire, que les violations des droits humains sont négociables.
Ce refus collectif des universitaires sénégalais remet les pendules à l’heure. Il rappelle que l’histoire ne s’écrit pas dans les salons feutrés des fondations, mais dans les salles de classe, les amphithéâtres et les consciences éveillées. Que le respect des principes ne se négocie pas, surtout quand on prétend les incarner.
Mo Ibrahim est désormais face à un choix : maintenir une nomination qui salit l’image de sa Fondation, ou écouter ceux qui, jour après jour, défendent la démocratie sans privilèges, ni décorations.
L’Afrique n’a pas besoin de faux sages. Elle a besoin de véritables repères.
Laguinee.info