mardi, avril 15, 2025
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Dabola : le barrage de Tinkisso à bout de souffle, les populations entre pénurie et espoir

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Situé au centre géographique de la Guinée, dans la préfecture de Dabola, le barrage hydroélectrique de Tinkisso est en train de perdre peu à peu sa vocation initiale. Construit en 1975 sous le premier régime de la République, cet ouvrage, doté à l’époque d’une capacité de 1 500 kW, a longtemps été une source précieuse d’électricité et d’eau potable pour les préfectures de Dabola, Faranah et Dinguiraye. Aujourd’hui, l’espoir a laissé place à l’amertume.

 

Un barrage qui n’alimente plus comme avant

Alors qu’il fournissait jadis de manière stable de l’énergie aux populations, le barrage est désormais incapable de répondre aux besoins croissants de la région. Les délestages sont devenus la norme, avec des coupures d’électricité prolongées et un accès à l’eau du robinet de plus en plus irrégulier. À Dabola, les habitants n’ont accès au courant qu’une fois tous les trois jours, de 20h à 1h du matin, soit seulement cinq heures sur 72 heures. Un rythme insuffisant pour des foyers en constante demande.

Alpha Oumar Diallo, chef de la centrale thermique du barrage de Tinkisso, en explique les raisons :

« Le problème réel, c’est l’étiage. Quand la saison sèche atteint son pic, le niveau d’eau dans le barrage chute considérablement, rendant difficile la production d’électricité. Le groupe thermique que nous utilisons en appui ne peut pas alimenter toute la ville en même temps. Nous avons donc réparti Dabola en trois secteurs. Chaque zone reçoit le courant un jour sur trois. Ce n’est pas notre volonté, c’est la nature qui impose ce rythme. »

Des travaux engagés, mais un chantier au ralenti

En septembre 2023, une lueur d’espoir est née avec le lancement officiel des travaux de dragage du lit du barrage. Le projet, piloté par le ministère de l’Hydraulique et de l’Énergie sous la conduite de l’ex-ministre Seydouba Soumah, avait pour ambition de renforcer la capacité du barrage. Une entreprise malienne avait été sélectionnée pour mener ces travaux, dont le délai d’exécution était fixé à six mois.

Mais un an et demi plus tard, les résultats sont décevants. Les promesses faites ne se sont pas traduites en actions concrètes. Le chantier avance lentement, entravé par des difficultés techniques.

« Le dragage a bien commencé, mais l’entreprise n’a pas pu tenir les délais. Elle nous a promis de revenir terminer le travail. Le principal obstacle, c’est que le sable retiré revient rapidement à cause du courant d’eau continu entre la haute et la basse vallée. C’est un travail de Sisyphe », confie Alpha Oumar Diallo.

Archives de lancement du barrage

Une infrastructure essentielle mais obsolète

Malgré ses limites actuelles, le barrage de Tinkisso reste vital pour toute la région de Faranah. Dans les années 1980-1990, il assurait seul l’approvisionnement en électricité et en eau potable des trois préfectures. Mais aujourd’hui, la croissance démographique, l’urbanisation et la multiplication des appareils électroménagers ont creusé l’écart entre l’offre et la demande.

« Depuis 1974, l’unité de production du barrage n’a quasiment pas évolué. En 2005, une amélioration a été faite, portant la puissance à 1 650 kW. Mais cela reste largement insuffisant. La population a triplé, les besoins aussi, mais la machine est restée la même », regrette le responsable.

Machine de dragage

Appel à la patience et à une solution durable

Face à l’urgence de la situation, Alpha Oumar Diallo lance un double appel. D’une part, à la population de Dabola, à qui il demande de faire preuve de patience et de compréhension. D’autre part, à l’État, pour qu’il investisse durablement dans l’extension du barrage et l’intégration de Tinkisso au réseau électrique national.

« Nous appelons la population à être patiente. Le problème est naturel : les cours d’eau sont saisonniers. Mais nous faisons tout notre possible avec les moyens disponibles. Nous sollicitons aussi la réalisation du projet Tinkisso 2, ainsi que la connexion au réseau national, notamment à Kaléta et Souapiti. Cela permettrait de soulager Dabola et toute la région. »

Le silence d’EDG

Malgré nos multiples tentatives, nous n’avons pas pu recueillir la réaction de la direction locale de l’Électricité de Guinée (EDG) sur la situation. Une absence de réponse qui nourrit encore plus l’inquiétude des citoyens.

Dabola attend toujours son courant. En attendant une réforme structurelle du secteur énergétique, les habitants devront continuer à vivre avec l’irrégularité et l’incertitude. Dans cette préfecture oubliée, l’électricité est devenue un luxe, et l’eau potable, un combat quotidien.

 

Ahmed Tidiane Condé, correspondant de Laguinee.info à Dabola

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