lundi, avril 7, 2025
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République à selfies : quand le buzz prend l’ascenseur du pouvoir

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Dans un pays où un citoyen lambda doit quémander des audiences pendant des mois, remplir des formulaires au stylo bic, ramasser des tampons poussiéreux et supplier des secrétaires sans sourire… il suffit parfois à un influenceur venu d’ailleurs de poster deux stories et d’enfiler un boubou local pour franchir toutes les portes. Bienvenue en République du buzz.

Chapitre 1 – Le visa du like

Ils arrivent souvent en vol régulier ou en jet privé, lunettes de soleil vissées au front, sourire de star et téléphone bien chargé. À peine le pied posé sur le tarmac, le service d’accueil se transforme en tapis rouge. Pas pour le peuple, non. Pour l’artiste. Pour la star. Pour le maître de la “story-time”.

Lui, il n’a pas besoin de rendez-vous. Il n’attend pas dans les couloirs. Il n’a pas besoin d’expliquer sa démarche.

Son seul curriculum vitæ : des millions de followers et une capacité à faire danser les ministres.

Chapitre 2 – Ministères en mode backstage

On les reçoit dans les ministères comme on reçoit un prix Nobel. Les fauteuils sont changés. Les photos du président sont bien redressées. Les climatiseurs sont poussés au maximum. C’est que le buzz a des exigences.

Le ministre, d’habitude introuvable pour ses propres concitoyens, se libère. Il poste même un message chaleureux :

C’est un honneur de recevoir mon frère, l’artiste engagé XYZ. Ensemble, nous allons faire bouger les choses.” Traduction : faire bouger Instagram.

Le peuple observe… Il rit jaune.

Chapitre 3 – L’institution, nouvelle boîte de nuit ?

Les salons d’apparat deviennent des décors pour vidéos TikTok. Les symboles républicains se mélangent aux gimmicks de scène. On danse là où l’on devrait décider. On rit là où l’on devrait réfléchir. On applaudit là où l’on devrait s’indigner. La République devient influenceuse. Ses responsables deviennent community managers de luxe. Et leurs bureaux, de simples spots de tournage.

Chapitre 4 – Le citoyen en coulisses

Et pendant ce temps, le citoyen guinéen, celui qui a trimé pour un master, celui qui attend une audience depuis six mois, celui qui rêve d’un stage ou d’un simple conseil… lui, il n’a pas la clé magique. Il n’a pas les likes. Il n’a pas le buzz. Il est donc invisible. Il regarde, abasourdi, les vidéos des étrangers qui prennent des selfies avec ses dirigeants, pendant que lui est traité comme un intrus dans son propre pays.

Chapitre 5 – Et si on revenait au sérieux ?

Ce n’est pas une guerre contre les artistes ou les influenceurs. C’est un cri contre l’érosion de la valeur institutionnelle. Contre la légèreté avec laquelle certains ouvrent les portes de la République à ceux qui font du bruit, pendant que ceux qui bâtissent en silence sont ignorés.

Il ne s’agit pas d’être snob, mais d’être cohérent. De rappeler que la République, ce n’est pas une loge VIP. Que les institutions ne sont pas là pour flatter les ego en tournée, mais pour servir les citoyens, tous les citoyens, y compris ceux qui ne chantent pas.

Épilogue – Quand la mémoire collective sera un feed Instagram

Un jour, nos archives nationales ne seront plus remplies de discours historiques, mais de vidéos Snapchat. On se souviendra peut-être du passage d’un influenceur mieux que de celui d’un penseur. Et nos enfants apprendront qu’un “buzz à Conakry” valait parfois plus qu’un diplôme d’honneur. Mais entre-temps, que le citoyen continue d’espérer que la prochaine réforme ministérielle lui soit au moins annoncée sur TikTok.

 

La Rédaction de Laguinee.info 

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