Dans ce pays tropical, les femmes sont sacrées. C’est ce qu’on dit. Elles sont « piliers de la nation », « mamans de l’humanité », « lumière de nos foyers ». Mais dans les couloirs de la vraie vie, elles sont surtout poings de défoulement, cibles silencieuses, et héros anonymes d’un quotidien qui les use jusqu’à l’os.
Ici, le genre féminin est une faute originelle, une provocation ambulante. Si elle est battue, c’est qu’elle parle trop. Si elle est violée, c’est qu’elle s’habille mal. Si elle se tait, c’est qu’elle consent. Et si elle dénonce ? Elle est humiliée, blâmée, ou pire : ignorée.
Le théâtre du silence
Les violences basées sur le genre sont connues de tous. Elles ont des prénoms, des adresses, parfois même des photos sur Facebook. On les croise au marché, au quartier, dans les écoles. Elles vivent chez l’oncle, le mari, le voisin, le professeur, l’imam, le député. Mais comme dans tout bon conte hypocrite, on fait semblant de ne pas voir.
Et puis il y a l’État. Ce grand acteur qui monte sur scène chaque 8 mars, s’enveloppe d’un pagne sponsorisé, pose sur les podiums et déclare avec emphase : “La femme guinéenne est notre fierté.”
Mais cette même femme, si elle vient déposer une plainte pour violences conjugales, on lui demande d’aller “s’entendre à l’amiable avec son mari”. Parce que dans la République des Compromis Inutiles, la paix du foyer vaut mieux que la justice de la femme.
Exciser pour honorer, marier pour éviter le déshonneur
Les mutilations génitales féminines ? Oh, un sujet “sensible”. On en parle dans les séminaires climatisés. Mais dans les villages, on aiguise encore les couteaux au petit matin. On dit que c’est pour “préserver la virginité”, pour “empêcher la déviance”, pour “honorer la tradition”.
Et les fillettes, ces petites reines sacrifiées, hurlent dans les bois. Mais leur douleur est couverte par le tam-tam de la coutume.
Quant aux mariages précoces, ils sont vendus comme des solutions : “Mieux vaut qu’elle se marie tôt, avant qu’elle ne tombe enceinte à l’école.”
Autrement dit, le ventre des filles doit être contrôlé, et leur avenir livré contre une dot.
La justice en panne de courage
Si, par malheur, une femme trouve la force de porter plainte… alors commence un véritable marathon administratif. Il lui faut du courage, de l’argent, un témoin, trois copies de chaque document, et surtout beaucoup de patience pour attendre que la honte change de camp.
Mais ici, les violeurs sont protégés par des noms de famille. Parfois, ils s’en sortent avec un sourire, une poignée de main, ou un poste de direction. La victime, elle, porte la double peine : l’agression, puis le silence imposé.
Les ONG, les pancartes… et après ?
On organise des campagnes. On imprime des bannières. On forme des “comités de veille”. On donne des formations. Et puis… plus rien. Parce qu’au fond, on soigne la vitrine, pas la plaie. On prend des photos, on publie des rapports. Mais sur le terrain, les mêmes bourreaux continuent de cogner. En paix. En toute impunité.
Et les hommes ?
Certains s’engagent. Beaucoup se taisent. Par peur ? Par culture ? Par confort ?
Dans ce pays, le féminisme est traité comme un virus importé, un caprice de femmes rebelles qui refusent de “se soumettre à leur nature”. Et pourtant, il suffirait d’un peu de courage. D’un peu de voix. D’un peu de honte.
Alors que faire ?
Écouter. Éduquer. Réformer. Sanctionner. Protéger. Ne plus tolérer l’intolérable. Ne plus faire du silence un art national. Parce qu’un pays où les femmes pleurent en silence est un pays qui avance en boitant.
Mais chut… ici, on préfère les femmes discrètes. Et les douleurs muettes.
La Rédaction de Laguinee.info